Le secteur des télécoms en 5 graphiques : notre analyse des données Arcep

Le régulateur des télécoms vient de mettre à jour le fichier des séries chronologiques de l’Observatoire des marchés, avec les chiffres de 2010. Dans le même temps, France Télécom, en préambule à son Assemblée Générale des actionnaires 2011, a publié son document de référence 2010.

L’ensemble de ces données permet d’actualiser notre analyse de 2009, en 5 graphiques clefs qui parlent d’eux-mêmes, surtout lorsqu’on les juxtapose.

Les revenus des opérateurs sur le marché final ont cru de 83% en 12 ans…

… mais le secteur a perdu 21% de ses emplois, soit plus d’un emploi sur 5.

France Télécom reste le champion de la suppression d’emploi,
avec près d’1 emploi sur 3 supprimé en 12 ans…

… mais depuis 2007, les opérateurs alternatifs détruisent aussi des emplois.

Quant à l’investissement, s’il a connu une belle poussée en 2000 et 2001, le soufflé est vite retombé.

A quoi devait servir la libéralisation du marché ?

Parmi les nombreuses promesses de la libéralisation du marché des télécommunications, on peut retenir, en vrac :

  • le développement global du marché
  • la diversification de l’offre et l’innovation
  • la baisse des prix au profit du consommateur
  • le développement de l’investissement et de l’emploi.

La relecture du bilan fait en 2000 par le Ministère des Finances de l’époque laisse cependant transparaître le caractère idéologique de cette libéralisation, l’un des premiers critères évalué étant… l’ouverture réelle à la concurrence, par l’analyse des parts de marché et du nombre d’opérateurs de réseaux ayant demandé une licence.

L’analyse positive de l’emploi proposée par le Ministère, la seule que nous ayons lue sur ce thème, repose malheureusement sur des chiffres erronés, en l’occurrence des prévisions de l’IDATE, beaucoup plus optimistes que les comptages réels de l’ARCEP (180 000 emplois prévus en 2000 sur le secteur, 154 500 décomptés en réalité pour cette même année, et une chute continue depuis).

La croissance du marché est au rendez-vous… mais on peut s’interroger sur ses sources et sur ses bénéfices

La croissance du marché est spectaculaire et résiste même aux années de crise, avec pour corollaire positif l’élargissement de l’accès aux télécommunications, qui augmentent significativement leur pénétration dans les foyers français.

Mais si depuis 1998 l’offre de services s’est réellement élargie et diversifiée, accompagnée d’une baisse des prix en faveur des consommateurs, nous partageons l’interrogation de Wikipedia : « Il est très difficile de déterminer si la chute des prix et l’apparition de nouveaux services est imputable à la libéralisation du secteur ou aux progrès techniques réalisés pendant la période« .

Quant à la qualité de service, elle est régulièrement perçue comme dégradée par les consommateurs, qui ont du mal à comprendre pourquoi il arrive aujourd’hui que le téléphone ou Internet ne marchent plus. Simplement parce que, pour se démarquer de la concurrence, il convient de sortir de plus en plus de services, et de plus en plus vite. Sans donc avoir eu le temps de les peaufiner… ni de former ceux qui les vendent ou qui en gèrent le SAV.

7 thoughts on “Le secteur des télécoms en 5 graphiques : notre analyse des données Arcep

  1. Effectivement la croissance des revenus de 83% peut sembler énorme sortie de son contexte, mais cette période a connu le développement ou l’apparition de services. En 1998, l’activité du/des opérateurs (il y avait peut-être Cegetel à l’époque, mais c’était essentiellement FT) était essentiellement de la téléphonie fixe. En 2010 il faut ajouter le marché du mobile et d’internet haut-débit (suite à l’autorisation du dégroupage en 2000) qui ont littéralement explosé.
    Les emplois ont effectivement baissé (essentiellement pendant la période de crise de la bulle internet), mais il faut garder en tête que la mise en place d’un réseau nécessite plus de main-d’œuvre que son maintien.
    FT a effectivement allégé ses charges salariales, mais elles ne correspondaient peut-être plus à une structure privée, soumise à une concurrence. Par ailleurs, FT s’est retrouvé en 1997 avec des employés au statut de fonctionnaire alors que l’entreprise était privatisée, engendrant des coûts supplémentaires.
    Les investissements ont effectivement connu un pic en 2000-2001 suite à la décision de l’ART (aujourd’hui ARCEP) d’autoriser, et même de forcer, le dégroupage. Les opérateurs ont donc dû investir pour déployer leurs réseaux (ou pour le mettre à jour dans le cas de FT). Les investissements « stagnent » ensuite, mais cela implique que chaque année environ 6 milliards ont été investis, alors que les besoins auraient dus diminuer grâce aux investissements de l’année précédente. A titre d’information, l’ARCEP estime qu’il faut environ 25 milliards d’euros pour développer la fibre en France… soit uniquement 4 années de tels investissements. Ce raisonnement est bien sûr erronée, car le maintien des réseaux et des équipements actifs sont comptés dans les 6 milliards, mais tout de même…

  2. Merci de cet intéressant commentaire. Ceci dit :
    – les fonctionnaires ne coûtent pas plus cher que des salariés de droit privé (il faut définitivement détruire cette idée reçue ou la démontrer avec des éléments convaincants, que nous n’avons encore jamais lus nulle part à ce jour, alors que nous connaissons bien les coûts respectifs des deux statuts dans l’entreprise France Télécom. La seule chose qui « coûte plus cher » avec les fonctionnaires, c’est qu’on ne peut pas les licencier, donc lorsqu’on restructure, il faut les former à un nouveau métier le cas échéant)
    – l’explosion des nouveaux réseaux, y compris la densification permanente des réseaux mobiles qui se poursuit actuellement, implique justement de la main d’œuvre, mais cette main d’œuvre est de plus en plus sous-traitée, souvent au détriment de la qualité de service (on ne peut pas maîtriser la connaissance technique, et encore moins l’implication vis à vis du client final et la défense de la marque avec des salariés sous-traitants pour de multiples raisons)
    – il ne faut pas négliger les coûts marketing, la distribution, et le service clients, qui nécessitent énormément de main d’œuvre. Mais là aussi, cette main d’œuvre est sous-traitée à l’extérieur de l’Europe (au moins 25 000 emplois sont concernés dans le domaine des services clients par téléphone), et c’est bien ce que nous dénonçons, à l’heure où le chômage est une réelle calamité dans nos pays, tant en terme sociétal que pour les comptes sociaux de la nation.

    Et pour finir, la baisse des emplois s’est poursuivie au delà de la bulle Internet. Et quand bien même elle serait essentiellement liée à cette bulle, ce serait bien la preuve qu’il s’agissait essentiellement de faire du profit financier de court terme, en lieu et place du développement d’une véritable politique industrielle pérenne dans ce secteur d’activité crucial pour l’économie contemporaine (sans réseaux de télécommunications, l’économie mondiale est instantanément en panne).

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