Le lancement de la radio numérique terrestre en France se fera-t-il progressivement comme celui de la TNT, ou va-t-il s’enliser? Les rapports et propos contradictoires montrent un flou croissant sur le sujet, sur fond de grande incertitude économique.
Rapport Tessier: remise en cause du calendrier et des modalités
En novembre a été remis au CSA le rapport de Marc Tessier sur la radio numérique terrestre («Les perspectives de financement du projet de radio numérique terrestre»). Pour le moins sceptique, l’ancien PDG de France Télévisions estime qu’il «est encore temps de s’interroger sur l’opportunité du projet». Quel serait le modèle économique de la radio numérique terrestre (RNT), se demande-t-il, alors que les investissements nécessaires seraient de 600 millions à un milliard d’euros en dix ans?
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Selon le rapport, les radios ne pourraient assumer ce coût qu’avec «des projections de croissance en volume des ressources publicitaires de la radio d’au moins 20 à 25% au-delà de 2015». En période de crise et de baisse des recettes publicitaires, le pari semble aventureux.
Le calendrier prévu pour la RNT est contesté par la mission Tessier, selon laquelle pour atteindre rapidement 50% de la population couverte, il faudrait accélérer le calendrier actuel, dont le rythme est d’une région par trimestre.
Le rapport souligne aussi que les technologies ont fortement évolué depuis le lancement du projet, et que les terminaux mobiles et les radios sur Internet ont remis en cause ses conditions. «Il est clair que le bénéfice de passer en 10 ans du tout FM au tout numérique, soit le cœur du projet, doit être mesuré à l’aune du développement des autres modes de numérisation de la radio.».
Rapport Hamelin: le prix des récepteurs va baisser
Une semaine après la sortie de ce rapport très critique, la presse se fait l’écho d’un nouveau rapport, cette fois à contresens, de l’ancien député UMP Emmanuel Hamelin, au ministère de la Culture. Ce rapport porte surtout sur les aides d’Etat nécessaires aux radios associatives pour passer au numérique (9,5 à 11,5 M€) et le fonctionnement du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER).
Ce rapport affirme «l’ardente nécessité»d’un lancement mi-2010 et du respect du calendrier du CSA. Il estime que le prix élevé des récepteurs de radio numérique ne serait pas un réel problème, prenant exemple sur les décodeurs de la TNT, d’abord vendus à 150 euros mais dont les prix sont ensuite tombés à 35 euros environ.
Quelques jours plus tard, c’est le Bureau de la radio (qui regroupe RTL, NRJ, NextRadioTV et Europe 1) qui rejette le lancement immédiat de la RNT, estimant qu’il n’a pas actuellement de modèle économique. Position critiquée en retour par l’association radio numérique (des radios, fabricants et diffuseurs).
Lors d’un chat sur L’Internaute début décembre, Michel Boyon, président du CSA, a affirmé vouloir un lancement de la RNT d’ici fin 2010, déclarant que «la radio internet c’est très bien, mais c’est tout à fait insuffisant pour répondre aux exigences des auditeurs». Belle affirmation… qui après les doutes marqués du rapport Tessier n’empêche pas beaucoup de penser (comme ici un journaliste du Nouvel Observateur) que la RNT est morte-née, arrivant trop tard pour trop cher, obsolète avant d’avoir été lancée…
La radio numérique, du moins celle que décrit l’article plus ou moins destinée à remplacer la FM, a été inventée sous le nom de DAB il y a presque 20 ans et ça n’a jamais pris sauf quelques tentatives décevantes en UK. La raison profonde est que c’est un marché à 3 pôles s’attendant les uns les autres (les émetteurs attendent un public qui attend de trouver des programmes et des récepteurs fabriqués en série (sinon trop chers) par des industriels qui attendent un public pour industrialiser); C’est virtuellement défunt avant d’avoir pu naître, et ce ne sera pas la 1ère invention de technocrates à être enterrée avant d’avoir vécu (en F des choix techniques singuliers le rendent encore plus improbable). Une filière plus réaliste aujourd’hui serait d’insérer des programmes radio dans la TNT, au moins ceux-là on pourrait les capter ipso facto avec un banal décodeur TV. Pour mémoire il y a eu ensuite une autre radio numérique dite DRM, conçue pour remplacer la radio de papa (GO, OM, OC) et qui bien que plus récente est passée directement aux oubliettes.