Alternatives Économiques nous a ouvert ses colonnes pour une tribune qui reprend les propos que nous avions publié en communiqué de presse, et que nous reprenons ici in extenso.
Cinq opérateurs téléphoniques – France Télécom, Deutsche Telekom, Telecom Italia, Telefonica et Vodafone – se réunissent régulièrement (sous le nom d’Euro 5) pour réfléchir à la normalisation technique des réseaux mobiles de 4e génération (4G). Le commissaire européen à la Concurrence, Joaquin Almunia, s’est mis en tête que ces réunions constituaient les prémices d’un cartel. L’établissement de normes communes est pourtant absolument indispensable au bon fonctionnement des télécoms : ceux qui ont eu la mauvaise surprise de ne pas pouvoir utiliser leur téléphone portable aux Etats-Unis en raison de normes différentes outre-Atlantique en savent quelque chose.
De plus, tous les analystes et chercheurs s’accordent pour constater que, dans le domaine des réseaux, la coopération entre opérateurs et équipementiers en vue de définir des normes communes est un élément clé pour innover et s’implanter sur les marchés mondialisés. Dans le passé, les acteurs européens de la téléphonie mobile avaient réussi, en se regroupant, à mettre en place un standard commun – le GSM, puis le 3 GSM – qui a conquis le marché mondial : en 2007, 85 % des abonnés dans le monde utilisaient un téléphone basé sur ce standard et Nokia était encore leader mondial des terminaux mobiles.
Curieusement, la Commission européenne, jusqu’alors favorable à ces comités de normalisation, a fait volte-face. Elle enquête donc sur ces réunions de l’Euro 5, alors même que celles-ci se tiennent en présence d’un avocat et font l’objet de comptes rendus complets à la Commission européenne ! Elle a aussi adressé un questionnaire à la GSMA (évolution du groupement GSM), qui réunit aujourd’hui 800 opérateurs mobiles mondiaux et plus de 200 autres industriels du secteur, fabricants de terminaux, équipementiers, fournisseurs de logiciels et de services, afin de définir des normes pour les réseaux mobiles de quatrième génération.
Ces dernières années, la concurrence » pure et parfaite » est devenue l’obsession de la Commission européenne. Cette action est supposée faire baisser les tarifs et profiter ainsi aux consommateurs. Mais ceux-ci seront bientôt virtuels si le chômage continue ses ravages en Europe.
Quel est en effet le résultat de cette obsession concurrentielle dans le domaine des télécoms ? La liquidation de Siemens, Nokia, Ericsson et Alcatel au profit des constructeurs chinois. 32 000 emplois perdus en France chez les opérateurs télécoms depuis 1998, auxquels il faudra ajouter 10 000 délocalisations probables suite à l’arrivée de Free Mobile sur le marché français, toujours au nom de la sacro-sainte concurrence. Tandis que les acteurs américains, tels Google ou Facebook, font désormais la course en tête dans les services de télécommunications. Nous serions pourtant en droit d’attendre de Bruxelles qu’elle défende l’industrie européenne des télécommunications, un secteur stratégique pour nos économies. Mais sa forte croissance à l’échelle mondiale ne profite pour l’instant ni aux entreprises ni aux emplois sur le Vieux Continent.
Depuis, nous avons découvert que l’enquête mandatée par la Commission à été demandée par Apple et Google, comme nous l’avons noté dans cet article de Marianne sur la gestion de la liquidation de Nortel.
La Commission est dans son rôle quand elle enquête ainsi, comme elle le fait sur tous les secteurs d’activité, et il est normal qu’elle regarde de plus près un club où il n’y a que quelques gros; on ne peut pas lui reprocher de faire son travail, tant qu’il n’y a pas acharnement exagéré. Si les PdG de Peugeot, Renault, Fiat & VW se concertaient ainsi, tout le monde approuverait que la Commission y regarde.
Il faut savoir ne pas crier avant d’avoir mal, sous peine de perdre de la crédibilité.
Accessoirement :
– la Commission n’est pas aux ordres d’Apple et Google et n’a pas besoin d’eux pour décider ce type d’enquête.
– La normalisation des réseaux 4G est faite depuis longtemps; ces discussions portent sur des axes d’améliorations pour les prochaines années; l’utilité de faire palabrer entre PdG reste à démontrer, les échanges de vues pouvant parfaitement se faire à des niveaux inférieurs.
– l’inutilisation de mobiles européens aux US a précisément été voulue par la normalisation à une certaine époque (ça devrait être révolu en 4G)
– Les pertes d’emploi dans l’industrie sont plus un problème de l’industrie électronique en général que particulier aux télécoms.