Marketing politique : nous sommes démocra-ciblés

Comme d’habitude, l’équipe de Data Gueule, émission de format court produite par France 4, vise juste, dans cette vidéo portant sur les outils de marketing politique, se demandant si « à trop viser les électeurs potentiels, on ne risque pas de blesser le débat démocratique ».

S’y ajoute l’analyse éclairée d’Antoinette Rouvroy, chercheuse au Fonds de la Recherche Scientifique belge, qui affirme notamment :

Ces dispositifs transforment les hommes politiques en sismographes, qui enregistrent des signaux numériques (…) et qui réagissent en fonction de ces signaux numériques. C’est exactement l’inverse d’un projet.

Big Data : quel impact sur le marketing et la relation client ?

Depuis des décennies, les marketeurs analysent les données clients à leur disposition, avec l’objectif de vendre plus et, éventuellement, mieux, c’est-à-dire pendant plus longtemps dans une logique de fidélisation. L’émergence récente du Big Data est venue décupler leur capacité d’analyse et, partant, leurs possibilités de réaction, voire d’anticipation des comportements de leurs clients. De fait, à l’instar de celle de Gartner, la plupart des études estiment qu’entre 50% et 60% des projets Big Data sont liés à l’expérience client au sens large.
Ainsi, en collectant des données lorsque ses clients sont exposés à ses campagnes de communication, achètent ses produits ou souscrivent à ses services, naviguent sur ses sites Web ou interagissent avec elle, une entreprise est à même de mieux les connaître. Elle peut ainsi adapter son offre, sa stratégie et ses outils de vente et de relation client, afin de faire vivre à ses clients une expérience en adéquation avec leurs attentes.
Une fois mise en place la fameuse vision à 360° de ses clients, l’entreprise est susceptible d’obtenir de « nombreux bénéfices marketing », « utiles pour les consommateurs » et « générant de la valeur », comme le montre l’infographie de l’agence Camp de Bases.

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Selon notre analyse, reposant sur une étude Markess, trois grands types d’objectifs président aux actions des directions marketing en matière de Big Data:

  • Vendre plus, notamment en ligne, en personnalisant le parcours digital des clients, de leur navigation sur les sites aux messages publicitaires qui leur sont présentés, pour leur proposer les offres les plus adaptées grâce à une segmentation et à un ciblage plus fins ;
  • Vendre mieux en simplifiant la relation client, grâce à une stratégie adaptée à chaque canal d’interaction (téléphone, e-mail, SMS, Web, réseaux sociaux) et à une optimisation des parcours inter canaux ;
  • Anticiper, en analysant tendances lourdes et signaux faibles pour se préparer aux évolutions comportementales des clients, de façon collective avec, par exemple, de nouveaux produits ou services, ou de façon individualisée, avec notamment la prévention des risques de rupture de la relation client.

A des degrés divers, la majeure partie des secteurs d’activités sont susceptibles de recourir au Big Data pour améliorer l’expérience de leurs clients, mais les plus avancés restent le e-commerce et la grande distribution, les opérateurs de services et le secteur financier.

Amazon, premier de la classe en Big Data

Les entreprises nord-américaines, et en particulier les pure players du Web, ont indéniablement une bonne longueur d’avance en matière d’exploitation commerciale du Big Data. Amazon s’est très tôt positionné en pionnier, avec son service de recommandations personnalisées, système de frappes chirurgicales qui vient se substituer avec succès au bazooka du couponing massif. Le géant du e-commerce peut s’appuyer sur une base de plus de 250 millions de clients, dont il cerne les goûts de plus en plus précisément en compilant des données structurées (déclaratif et navigation) et non structurées (contenus qu’ils stockent dans ses services de cloud). Amazon est ainsi capable de fournir à ses clients, en ligne ou via des campagnes d’e-mailing, des conseils personnalisés en temps réel susceptibles de se transformer en autant de commandes. La firme de Jeff Bezos a d’ailleurs une telle confiance dans la qualité de sa connaissance client qu’elle a déposé, début 2014, un brevet pour un nouveau système de livraison fondé sur l’anticipation des achats ! Ce dernier repose sur un algorithme, élaboré d’après les achats précédents du client, sa liste de souhaits, sa navigation sur le site et les produits qu’il a mis dans son panier sans les acheter.

Par ailleurs, non content de s’appuyer sur sa connaissance client pour accroître ses ventes, Amazon réfléchit désormais à la meilleure façon de monétiser de façon directe la mine d’or que représente ses données très qualifiées. Annoncé à l’été 2014, le service de publicité en ligne Amazon Sponsored Links n’a pas encore officiellement vu le jour, mais il ne devrait pas tarder à venir concurrencer Google Adsense.

En France, on a des idées… mais on peine encore à les concrétiser

Si 81% des dirigeants marketing interrogés dans le cadre de l’étude menée en France fin 2014 par Fullsix et Limelight sont « convaincus de la grande importance » du Big Data, seuls 18% ont déjà lancé des projets et 6% les ont vus aboutir…

Toutefois, si les entreprises françaises ne versent pas dans une stratégie tout-Big Data à la Amazon, elles ne négligent pas ses apports pour répondre à des problématiques plus ponctuelles.

La grande distribution s’affiche en pionnière, avec des enseignes qui cherchent à collecter autant d’informations que possible concernant leurs clients, en magasin avec la fameuse « digitalisation » du point de vente, mais aussi sur le Web et en mobilité. On retrouve l’idée du « vendre plus » dans la stratégie de la Fnac, qui optimise le ciblage de ses campagnes d’e-mailing en s’appuyant sur un modèle prédictif mettant à profit les informations recueillies concernant ses 20 millions de clients. Mais la dimension de l’anticipation est également au cœur de l’action des distributeurs, à l’image d’Auchan, qui s’est doté d’une solution d’analyse sémantique décortiquant en temps réel les verbatim clients déposés sur ses sites Web et ses comptes Facebook et Twitter. En traitant ce volume important de données non structurées, le distributeur extrait rapidement des informations stratégiques pour y répondre par des actions opérationnelles ciblées.

Voyages-SNCF mise sur le « vendre mieux », notamment avec des applications mobiles qui permettent de personnaliser l’expérience des usagers en facilitant leurs voyages. En fonction de leurs profils, ils se voient relayer en temps réel des informations importantes et proposer des services sur mesure.

Les opérateurs télécoms investissent tout particulièrement dans l’analyse prédictive des données, pour faire baisser leurs taux de churn. Ainsi, en surveillant la navigation des internautes sur ses sites Web, SFR réussirait, selon des chiffres récemment dévoilés, à repérer plus de 80% des candidats au départ, les contactant avant qu’ils aient pris leur décision… semble-t-il avec succès, puisque l’opérateur réussirait à en convaincre 3/4 de lui rester fidèle.

Enfin, le Big Data a également beaucoup à apporter aux entreprises du secteur financier. En permettant aux banques d’analyser en quelques minutes des masses de données qui nécessitaient auparavant plusieurs jours de décryptage, les technologies Big Data leur ouvrent la perspective d’une relation client plus immédiate et plus personnalisée. Le secteur de l’assurance peut s’appuyer sur les modèles prédictifs associés au Big Data, pour anticiper les risques (notamment liés au climat), ou encore développer de nouveaux business models, en matière d’assurance santé ou d’assurance automobile, à l’instar des offres « pay-as-you-drive » notamment mises en place par Direct Assurance.

Mais, les usages du Big Data ne sont pas tous liés au marketing et à la relation client… La suite au prochain numéro.

No low-cost

Pendant la trêve des confiseurs, nous vous proposons quelques livres pour « muscler son cerveau » au coin du feu.

En effet, témoignages, études et chiffres à l’appui, de plus en plus de chercheurs, de journalistes et d’experts combattent les courants d’idées dominants qu’on voudraient nous faire prendre pour les seuls valides, voire les seuls existants. Il n’en est rien. Le monde est très différent de ce que veulent bien en décrire les « élites » au pouvoir, chaque citoyen le sait au travers de son vécu quotidien. Encore faut-il disposer des données pour réfuter les contre-vérités. Ces livres nous en fournissent. Nous espérons qu’ils vous seront utiles, et vous en souhaitons bonne lecture.

NoLowCost_couv

Grâce à l’interview de Stéphane Reynaud sur BFM Radio (qui espérons-le mettra le podcast en ligne dans les prochains jours), nous avons eu connaissance de l’ouvrage « No low cost« , co-rédigé par les journalistes Stéphane Reynaud et Bruno Fay, qui en fait une présentation éloquente sur son blog :

Plus aucun secteur n’échappe au phénomène low cost. Synonyme d’achat malin, le low cost représenterait la pierre philosophale de l’économie moderne. Une formule magique capable de concevoir le même produit pour un coût inférieur. L’État lui-même se prend à rêver d’une République low cost.

En réalité, le low cost se traduit le plus souvent par une logique folle de réduction des coûts au détriment de la qualité des produits, des conditions de travail des salariés, des emplois et de la sécurité des consommateurs.

No low cost est un pavé dans la mare, une analyse à contre-courant construite à partir de témoignages inédits. Au terme d’un an d’enquête, les auteurs décryptent les rouages du phénomène low cost pour mieux en dénoncer l’imposture.

Concept à l’origine basé sur une innovation permettant d’offrir un produit ou un service original à un tarif démocratisé, le low cost a été dévoyé pour se résumer au fil du temps une dégradation de l’offre permettant d’en faire baisser le prix de vente. Selon l’auteur interviewé, seul IKEA, qui met le design pratique et contemporain à la portée de toutes les bourses, illustre encore l’idée d’origine.

Dans les télécommunications, il y a aussi dégradation du service avec la baisse des tarifs

Interrogé sur l’arrivée de Free en tant que 4ème opérateur mobile en France, Stéphane Reynaud confirme qu’il ne faut en attendre aucun miracle… si ce n’est  de tirer vers le bas l’ensemble du secteur de la téléphonie mobile, comme cela se produit dans tous les secteurs dès qu’un acteur low cost ou prétendu tel investit le marché.

Les salariés ou ex-salariés des opérateurs de télécommunications en savent quelque chose – rappelons que le secteur a perdu plus de 28 000 emplois en 10 ans, pendant que le chiffre d’affaires des télécommunications augmentait de … 80%.

Les consommateurs aussi, qui s’impatientent chaque jour davantage des piètres prestations rendues par des services clients délocalisés pour faire baisser les prix. Outre les pertes d’emplois sur le territoire national, qui sont chaque mois un peu plus catastrophiques, le simple bon sens permet pourtant de comprendre qu’il est difficile pour un salarié du Maghreb ou de l’Ile Maurice d’assister efficacement les utilisateurs de services dont lui-même n’a pas l’usage, parce qu’ils ne sont pas disponibles dans son pays, ou à un tarif incompatible avec son salaire. Mais le bon sens semble déserter l’esprit des décideurs dès qu’une opportunité de profit supplémentaire se profile…