Parmi les dernières statistiques qu’a publiées récemment l’Arcep, on trouve ce passage sur les renseignements téléphoniques: leur revenu «s’élève à 40 millions d’euros au deuxième trimestre 2009 et progresse de 3,7% par rapport à celui du deuxième trimestre 2008. Le nombre des appels vers les services de renseignements (27 millions d’appels) ainsi que le volume des minutes qu’ils génèrent (58 millions de minute) sont en recul d’environ 15% sur un an au deuxième trimestre 2009.»
Beau paradoxe apparent: malgré cette forte baisse des appels, le chiffre d’affaires qu’ils génèrent augmente (cette année – depuis l’ouverture de la concurrence, il a chuté de plus de moitié). C’est une nouvelle réussite du dogme de la concurrence à tout va: la hausse des tarifs compense la baisse de la demande…
Les demoiselles du téléphone, image Wikipédia sous licence CC by-sa
Cette baisse de la demande tient à plusieurs facteurs: le transfert vers le Web bien sûr (pourquoi payer par téléphone ce qu’on trouve gratuitement sur Internet) – transfert réservé aux Français connectés à Internet, autrement dit les non internautes, plus pauvres en moyenne que les internautes, doivent ainsi payer ce service alors qu’ils ont moins de moyens.
Mais ce transfert expliquerait difficilement à lui seul une si forte chute des demandes de renseignement: de 270 millions d’appels en 2004 à 112 millions en 2008/2009 (juillet à juin, chiffres Arcep), c’est une baisse de plus de la moitié.
Une autre explication vient de la complexité et du coût de l’offre. Là où auparavant (à partir de 1938 le 11, puis de 1983 le 12) tout le monde connaissait le numéro à composer pour y accéder, la concurrence a entraîné en novembre 2004 une explosion en de multiples services concurrents (voir l’article Renseignements téléphoniques de Wikipédia).
Plusieurs ont rapidement déposé le bilan et les leaders ont englouti des sommes faramineuses en publicité: les numéros de renseignements les plus connus le sont devenus à force de matraquage publicitaire.
Un fiasco
En juillet 2007, l’UFC Que Choisir dénonçait le «vrai fiasco» de l’ouverture à la concurrence du service de renseignement téléphonique.
Les consommateurs sont perdus dans la multitude des offres et de leurs tarifs (voir par exemple cette page web de comparaison des prix des 118): ils sont plus élevés que ceux du service public d’antan, diffèrent d’un opérateur voire d’un numéro à l’autre, et les petites arnaques pratiquées çà et là doivent aussi refroidir les consommateurs; comme la proposition de transfert après le renseignement, transfert qui est surtaxé…
Il existe pourtant un service universel, le 118 711 (l’ancien 12) – mais il est totalement sous-employé parce que méconnu, ne faisant pas l’objet, lui, du déluge publicitaire des services commerciaux.
Mi-2006: « le tiers des emplois maintenant au Maroc »
Résultat de cette brillante application du dogme libéral: un service est moins rendu, tout en détruisant et délocalisant des emplois. En mai 2006 déjà, un professionnel du secteur déclarait dans Stratégies: «On peut estimer que les différents « 118 » emploient 3.000 personnes, soit autant que l’annuaire avant ouverture à la concurrence. La différence, c’est qu’au moins un tiers de ces emplois se trouve aujourd’hui au Maroc.»
Moins d’emploi, un service réduit et qui se paie plus cher. Les seuls qui y ont gagné sont les vendeurs et supports de publicité…