Approuvée par l’Assemblée Nationale, la Loi Renseignement fait toujours l’unanimité… contre elle

Depuis son annonce à la mi-mars jusqu’à son approbation ce 5 mai par l’Assemblée Nationale avec une très large majorité, le projet de loi relatif au renseignement a fait l’objet de nombreux débats entre ses partisans et ses détracteurs.
Pour mémoire, ce projet, né après l’attaque de Charlie Hebdo, entend donner plus de moyens aux services de renseignement : accès direct aux « réseaux des opérateurs » (télécoms, services en ligne, hébergeurs) pour surveiller une personne suspecte, utilisation d’outils comme les « IMSI Catchers » pour intercepter les appels téléphoniques des mobiles, installation de « boîtes noires » chez les acteurs du numérique pour repérer automatiquement les comportements à risque. L’utilisation de ces dispositifs de surveillance sera contrôlée par une autorité indépendante, la Commission nationale de contrôle (CNCTR).

Une telle perspective n’a pas semblé émouvoir plus que ça le grand public. Selon un sondage CSA, près de 2/3 des Français se disaient « favorables à une limitation de leurs libertés individuelles sur Internet au nom de la lutte contre le terrorisme ». Valérie Peugeot, vice-présidente du Conseil national du numérique, explique les raisons de cette apathie par un manque de sensibilisation (« il n’y a rien de plus difficile que de se rebeller contre l’invisible »). D’ailleurs, dans le même sondage CSA, moins de 30% des Français affirmaient connaître le contenu du projet…

En revanche, les acteurs et observateurs du monde numérique en analysent depuis plus d’un mois les tenants et les aboutissants, et leurs avis sont quasi unanimement hostiles à la Loi sur le Renseignement. Une phrase de la tribune libre rédigée par un collectif d’hébergeurs début avril résume l’ensemble de leurs récriminations : « Le projet de loi du gouvernement est non seulement liberticide, mais également anti-économique, et pour l’essentiel, inefficace par rapport à son objectif. »

Un projet liberticide adopté sans débat démocratique

L’argument relatif à la violation des libertés individuelles est le plus soulevé. Dès l’annonce du projet, le Conseil national du numérique s’est inquiété « d’une extension du champ de la surveillance », invitant le gouvernement « à renforcer les garanties et les moyens du contrôle démocratique ». De leur côté, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Nils Muižnieks, et les rapporteurs des Nations Unies sur les droits de l’homme Michel Forst et Ben Emmerson ont cosigné une tribune libre critiquant ce projet, « parce qu’il autorise le recours à des méthodes de surveillance qui font peser une menace sérieuse sur le droit au respect de la vie privée », « parce qu’il permet la mise en œuvre de ces mesures intrusives sans un contrôle préalable indépendant », et « parce qu’il pourrait aggraver les tensions sociales en autorisant un contrôle indiscriminé de personnes qui ne sont pas soupçonnées d’activité terroriste ». Par la voix de sa présidente Isabelle Falque-Pierrotin, la CNIL s’est, pour sa part, déclarée préoccupée par la question du devenir des données collectées.

Le son de cloche est le même du côté des intellectuels. Pour le philosophe et écrivain Eric Sadin, « Cette loi est répréhensible. C’est une faute, c’est une faute politique, c’est une faute sociétale, c’est une faute éthique et c’est une faute juridique, ça fait beaucoup ! ». Antoinette Rouvroy, chercheuse au Fonds de la Recherche Scientifique belge, qualifie ce projet de « fantasme de maîtrise de la potentialité », reposant sur « l’idée que grâce au calcul, grâce à l’analyse des données en quantité massive, grâce au big data, on va pouvoir vivre dans un monde non-dangereux ».

« Etonné et inquiété » par cette loi, l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon estime, pour sa part, qu’elle a été « très mal préparée et très mal écrite » et qu’elle n’a « aucune colonne vertébrale ». Enfin, figurant au rang des premiers et des plus farouches opposants à la Loi Renseignement, La Quadrature du Net dénonce, au-delà du contenu du projet en lui-même, la rapidité avec laquelle il est mis en place, et cela sans débat démocratique.

Le recours au big data inadapté à la lutte contre le terrorisme ?

Comme d’autres observateurs, Grégoire Chamayou, chargé de recherche au CNRS, conteste l’efficacité d’un recours au big data à des fins de surveillance : « Contre les attentats de demain, croire que les scénarios de ceux d’hier seront utiles, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin, alors que la couleur et la forme de l’aiguille ne cessent de changer. Même à supposer que le terrorisme présente des signatures repérables par data mining – ce qui est pour le moins hasardeux –, pareil système va engendrer pléthore de suspects, dont une écrasante majorité de fausses pistes – et ceci par millions. »

Jean-Marie Delarue, Président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) ne dit pas autre chose, goûtant peu les « techniques évidentes de pêche au chalut » induites par ce projet. Il craint par ailleurs que la CNCTR ne soit qu’un « colosse aux pieds d’argile, un contrôleur dépendant d’un tiers pour accéder aux données qu’il est chargé de contrôler ». Selon lui, plus qu’un renforcement, « il y a donc un affaiblissement très net du contrôle ».

Un risque d’affaiblissement économique des acteurs du numérique français

Concernés au premier chef par la mesure des « boîtes noires », les hébergeurs français y ont vu une menace directe de leurs intérêts : « En tout, 30 à 40 % de notre chiffre d’affaire est réalisé » avec des clients étrangers qui « viennent parce qu’il n’y a pas de Patriot Act en France, que la protection des données des entreprises et des personnes est considérée comme importante. Si cela n’est plus le cas demain en raison de ces fameuses boîtes noires, il leur faudra entre 10 minutes et quelques jours pour quitter leur hébergeur français ». Les hébergeurs craignent par ailleurs de voir les entreprises françaises les quitter pour l’étranger : « ce sont des milliers d’emplois induits par le cloud computing, le big data, les objets connectés ou la ville intelligente que les start-ups et les grandes entreprises iront créer ailleurs ».

Face à la menace des hébergeurs de « déménager leurs infrastructures, investissements et salariés là où leurs clients voudront travailler avec eux », le gouvernement n’a pas tardé à réagir et à leur proposer l’amendement n°437. Il leur permet de faire eux-mêmes la distinction entre les données de connexion, que les services de renseignement pourront consulter sous réserve d’une validation préalable par la CNCTR, et les contenus, qui resteront privés. Cet amendement semble avoir satisfait les hébergeurs, même si Valentin Lacambre, pionnier de la liberté d’expression sur Internet, a décidé de fermer son service Altern.org, affirmant : « Pour nous, un seul jour sous écoute globale est un jour de trop ».

 

Quoi qu’il en soit, malgré les centaines de signatures des acteurs du numérique sur la Pétition NiPigeonsNiEspions, la Loi Renseignement a désormais été adoptée par l’Assemblée Nationale. Voyons maintenant quel sera l’avis du Conseil Constitutionnel, que François Hollande s’est engagé à saisir.

Big Data ou Big Brother ? la raison du numérique

Une intéressante interview d’Eric Sadin, écrivain et philosophe, auteur de « La vie algorithmique, critique de la raison numérique », en plein dans le thème de notre prochaine Université d’été, les 22 & 23 juin prochains, sur les enjeux de la numérisation de nos vies en termes de vie privée.

(voir la page de l’émission sur le site de France Inter)

Comment ça, je suis surveillé ?

Pour vous préparer au débat sur les enjeux de la numérisation de nos vies en terme de respect de la vie privée, thème de notre Université d’été des 22 & 23 juin prochains, vous pouvez consulter l’excellente « web série » mise en place par Arte : Do not track

DoNotTrack

Entièrement interactive, elle vous permettra de comprendre par qui, pourquoi et comment vos usages des outils numériques sont collectés et utilisés.

Petit extrait de la présentation du projet :

Do Not Track explore les différentes manières dont le Web moderne enregistre et traque nos activités, nos publications et nos identités. Pour vous aider à comprendre comment vos informations sont utilisées et collectées… nous vous demandons de participer avec vos données. Oui, vos données. Ça peut sembler paradoxal, mais c’est en vous prêtant au jeu que vous pourrez comprendre l’implication du tracking – non seulement pour vous, mais pour vos amis ou votre famille. Quelle est la valeur cachée derrière chacun de vos clics ? Que se passe-t-il sans que vous vous en rendiez compte et sans votre consentement ? Soyez curieux et reprenez le contrôle.
Toutes les deux semaines, un épisode personnalisé abordera un sujet différent : de nos téléphones portables aux réseaux sociaux, de la publicité personnalisée au big data.
Leur point commun ? Utiliser les méthodes et outils des trackers pour vous traquer pendant que vous les regardez.
Nous voulons expérimenter le tracking pour ainsi mieux le comprendre. Nous vous demanderons de nous donner des informations personnelles sur vos goûts, vos avis, vos habitudes. Plus nous en saurons, plus vos épisodes seront personnalisés. Rien que pour vous.
Entre chaque épisode, lisez, écoutez et fouillez plus en profondeur les thématiques abordées, à travers du contenu supplémentaire. Commentez et échangez sur les sujets abordés. Pour rester informé et vivre l’expérience complète, laissez-nous votre mail !

La déconnexion des élites

La déconnexion des élites from Xerfi Canal TV on Vimeo.

Outre l’intéressant constat fait par Laure Belot dans son ouvrage, elle présente aussi dans cette vidéo une segmentation de l’utilisation de la masse, nouvelle et conséquente, des données sur les utilisateurs des technologies de l’information.
L’utilisation de ces « big data » est l’un des sujets qui sera abordé lors de la prochaine université d’été de la CFE-CGC Orange, les 22 et 23 juin prochains.

Google va-t-il enfin rentrer dans le rang ?

Pour Google, c’est un coup dur. Après près de cinq ans d’enquête sur un éventuel abus de position dominante sur la recherche en ligne, la Commission européenne a finalement décidé, mercredi 15 avril, d’envoyer au groupe internet américain ce que l’on appelle dans le jargon bruxellois une « communication de griefs », c’est-à-dire un acte d’accusation en bonne et due forme. L’annonce devait être faite par la commissaire à la concurrence, la Danoise Margrethe Vestager, en charge du dossier depuis sa prise de fonction, en novembre 2014.

Lire la suite dans Le Monde

La domination de Google en Europe est écrasante (80% des recherches en ligne) et le géant américain a pour le moment toujours réussi à contourner les règles européennes, qu’il s’agisse de concurrence, de respect des données privées, ou encore de fiscalité. Jusqu’à présent, la Commission ne l’avait jamais attaqué frontalement, agissant plutôt sur le mode anglo-saxon de la négociation, sans véritable mesure coercitive.

De l’avis des acteurs européens de l’internet et des télécoms, il est temps que cela cesse : Google en effet, dans une large mesure, cueille les fruits de la croissance du net sans contribuer, loin s’en faut, à la hauteur de ce qu’il récolte. Pis, sa position dominante lui permet d’étouffer dans l’œuf les initiatives concurrentes qui tenteraient d’émerger et d’écorner son leadership. C’est ce dernier volet qui fait réagir la Commission… toujours plus vigoureuse à défendre la soi-disant « concurrence pure et parfaite » qui n’existe que dans l’imagination des idéologues que les autres aspects d’une régulation qu’on pourrait qualifier de « citoyenne ».

On attend aussi avec impatience que Google, mais aussi d’autres géants des services sans réseaux (Apple, Amazon, Facebook et consorts), soient mis au pas sur leurs pratiques d’évasion fiscale, leurs entorses à la protection des données personnelles au regard du droit européen, mais aussi mis à contribution pour participer à l’investissement dans les réseaux dont ils profitent. C’est un peu trop facile d’arriver au moment de la moisson, sans avoir participé ni au labour, ni à l’ensemencement des terres !

Crise de la presse : non, ce n’est pas le numérique le coupable

15 minutes pour comprendre la crise actuelle de la presse, trop souvent attribuée à l’arrivée du digital : en réalité, c’est bien la mise en place d’un business model permettant de produire de l’information au niveau qualitatif attendu par les différents publics qui est en cause…

Crise de la presse : non, ce n'est pas le numérique le coupable from Xerfi Canal TV on Vimeo.

e-mails : attention danger !

Décidément, le sujet est à la mode en ce moment 🙂

Yannick Chatelain, professeur associé à Grenoble Ecole de Management, a écrit l’ouvrage « Mes mails m’emm…melent – lire vos mails nuit gravement à ma santé« .

Il aborde avec humour de vraies questions, et évoque le risque psycho-social lié à un usage mal maîtrisé du mail : à regarder ou à lire, en complément de la brochure déjà évoquée hier.

La déconnexion digitale

Plus que les individus, c’est bien notre société qui est connectée, voire ultra-connectée! Certains ressentent alors le besoin de déconnecter, prendre du recul pour ne pas être totalement happés.

Est-ce que l’envie de déconnexion est en train de devenir un phénomène de société, ou est-ce une tendance qui ne concerne qu’une partie de la population?
Le journaliste Pierre-Olivier Labbé a en tout cas tenté l’expérience de déconnecter d’Internet pendant 90 jours, et son expérience est devenu un documentaire, « Digital Detox », diffusé le mercredi 25 février sur Canal+ à 20h50.

Si vous n’avez pas vu le documentaire de Canal+ vous pouvez tout du moins réécouter l’émission de France Inter  « La tête au carré », sur le site de la radio (désolée à nouveau, le player ne fonctionne toujours pas, je ne peux pas vous l’incruster directement dans l’article).

Vous entendrez notamment un extrait sonore évoquant le droit à la déconnexion dans les entreprises. C’est l’occasion de rappeler l’existence d’un excellent guide, publié par l’ORSE (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises), qui permet de réfléchir concrètement au sujet dans son environnement professionnel, et de disposer d’exemples de chartes pour inspirer vos comportements… et ceux de vos entreprises : Le bon usage des outils de communication numérique dans les entreprises – édition 2015

Le saviez-vous ? c’est un Français qui est en fait à l’origine d’Internet…

Décoré par la reine d’Angleterre pour sa contribution majeure à la création d’internet en 2013, Louis Pouzin est encore un inconnu en France. Agé de 83 ans, il est pourtant à l’origine d’internet au début des années 1970, avec le premier réseau « Cyclades » permettant de communiquer des informations sous la forme de paquets ! Depuis internet a énormément évolué, est utilisé dans le monde entier, connait succès mais aussi dérives.

Louis Pouzin, Ingénieur, polytechnicien, Président d’honneur de la société française de l’Internet et Jean-Marc Manach, Journaliste et blogueur français spécialiste des questions liées à l’impact des technologies de l’information et de la communication sur la société et à la protection de la vie privée, étaient hier les invités de l’émission « La Tête au Carré », que vous pouvez réécouter à volonté sur le site de France Inter. (désolée, l’intégration du player ne fonctionne pas…)

 

 

Comment Internet aide les Français à supporter la crise

Une réflexion intéressante… qui n’apporte pas de réponse chiffrée (de temps en temps, ça fait du bien), mais qui pose une bonne question :

 

Le spectre de la déflation hante la planète. Prix à la consommation en hausse d’à peine 0,3% en un an dans la zone euro, taux d’intérêt à moins de 1% en France ou en Allemagne, prix du pétrole au plus bas depuis cinq ans, pic des recherches du mot « déflation » sur Google…

[…]

Cette déflation-là est bien visible. Et elle est bien nuisible. Elle incite les acheteurs à dépenser plus tard en espérant payer moins cher. Elle accroît le fardeau de la dette pour les particuliers, les entreprises et les Etats qui se sont endettés. Mais il y a aussi sans doute une autre déflation à l’œuvre dans l’économie mondiale. Une déflation invisible mais précieuse, car elle donne de l’air à ceux dont les revenus baissent.
Cette déflation-là vient surtout des technologies de l’information – mais pas seulement. Elle se résume ainsi : on achète à la fois mieux et moins cher.

Un édito de JM. Vittori à lire dans Les Echos (si vous arrivez à passer entre les pubs, de + en + intrusives….)

YouTube : Orange critique vivement le classement des FAI de Google

Depuis quelques semaines, Google agite la sphère télécoms avec son classement des meilleurs FAI pour regarder YouTube. Ce comparatif n’est pas encore disponible en France, mais hérisse déjà le poil des FAI de l’Hexagone, à commencer par Orange. Interrogé par 01net, l’opérateur historique se livre à une critique cinglante de ce comparatif, jugé réducteur et partisan.
[…]

La congestion est avant tout la conséquence du refus de certains acteurs qui envoient massivement des contenus de prendre en charge une partie des flux qu’ils génèrent sur les réseaux des FAI, notamment par un partage des coûts liés à l’augmentation significative du trafic sur les réseaux des FAI. »

En somme, Google est prié de contribuer au financement des infrastructures télécoms avant de se permettre de taper sur les FAI.
[…]
Deuxièmement, Orange pense que ce classement est en réalité une méthode déloyale pour faire pression sur les FAI qui ne veulent pas subir les énormes flux Google sans broncher.

Lire l‘article complet sur01net.com

NDLR : Quand l’acteur en situation de monopole n’est pas celui qu’on croit… et la neutralité du net instrumentalisée dans un but de captation du profit…

Droit de savoir contre droit à l’oubli

Une fois de plus, les principes du droit anglo-saxon s’opposent à la vision partagée par les autres pays d’Europe, qu’on pourrait définir comme inspirés du droit romain.

Il s’agit en l’occurrence de la mise en œuvre du droit à l’oubli, actuellement défendu par une directive européenne de 1995 sur les données personnelles, récemment explicitée par une décision de la Cour de justice de l’Union européenne à l’encontre de Google, « estimant qu’un moteur de recherche sur Internet est responsable du traitement des données personnelles contenues dans les pages indexées et donc les résultats de recherche fournis aux internautes.« , qui conduit aujourd’hui le moteur de recherche à supprimer des liens vers des pages de Wikipedia, qui crie à la censure.

Qu’a-t-on le droit de savoir sur qui ?

En gros, l’Union européenne défend le droit à l’oubli, les anglo-saxons défendent le droit de savoir. Une vraie question, à la fois

  • juridique : qui a le droit d’exposer ou de demander la suppression de quelle information concernant des personnes ?
  • technique : est-il possible de supprimer toute trace d’une information publiée sur Internet, sachant notamment que n’importe qui peut l’avoir captée à un instant T, pour la republier plus tard sur le net, au même endroit ou ailleurs ? Une pratique courante sur certaines pages Wikipedia régulièrement remaniées pour faire apparaître ou disparaître des informations jugées « sensibles » ou simplement inadéquates par les personnes concernées.
  • et enfin morale : pour combien de temps doit on être considéré comme responsable et comptable d’actes qu’on a renié depuis, voire légalement expiés ? l’être humain a-t-il droit à l’erreur ?  est-ce que cela varie en fonction du caractère plus ou moins public de la personne concernée ? qu’a-t-on le droit de savoir sur autrui ? qui peut juger de l’adéquation des informations délivrées sur une personne, la personne concernée ou des tiers ? et selon quels critères ?

C’est aujourd’hui un vrai sujet de société, qui mérite qu’on prenne le temps du recul pour analyser les arguments de chacun, qui, pris isolément, apparaissent tous défendables : on lira avec profit les articles du Monde cités en lien et leurs références, et toute la polémique autour de Google et des données personnelles (Google a notamment publié le 31 juillet une lettre ouverte aux CNILS européennes pour expliquer qu’il ne sait plus trancher ce qu’il doit ou non supprimer de ses résultats de recherche).

Censure ou… auto-censure ?

Si on y regarde d’un peu près, on s’aperçoit que les défenseurs du droit de savoir, de la transparence, crient à la censure chaque fois qu’on leur demande d’effacer un lien ou une information au nom du respect des données personnelles, de la vie privée ou du droit à l’oubli.

On se souvient de la fracassante déclaration d’Eric Schmidt, PDG de Google : « Si vous faites quelque chose que vous souhaitez que personne ne sache, peut-être devriez vous commencer par ne pas le faire. » Autrement dit,  » pratiquez l’auto-censure pour vous conformer à la morale dominante, et vous n’aurez rien à cacher, donc rien à craindre… notamment de nos merveilleux outils d’investigation, dont la puissance dépasse ce que vous pouvez imaginer « .

Rien d’étonnant sans doute de la part d’États-uniens qui se posent en défenseurs de la démocratie et de la liberté d’expression. Mais l’histoire montre que même la puissance impérialiste des États-Unis est incapable de protéger les citoyens du monde contre toute dictature… et en cas de dictature, la transparence peut-être fatale, même pour ceux qui n’ont transgressé aucune loi.

Et les faits concrets démontrent qu’en parallèle, la vision libérale, voire ultra-libérale, défendue par les mêmes, conduit à un véritable « pilotage » des individus par les intérêts commerciaux, clairement lisible dans les propos des dirigeants de Google tels que rapportés dans l’article de Rue89, et que chaque internaute peut régulièrement expérimenter s’il est un peu vigilant. Est-ce encore vraiment de la démocratie ?

Je n’aurai pas l’audace de prétendre trancher cette question, qui mérite assurément un débat plus nourri, mais simplement d’y apporter mon grain de sable… pour vous donner à réfléchir sur la plage.

 

La vie numérique en 2025 et les menaces sur Internet, selon Pew Research Center

Pour les anglophones, un rapport du centre de recherche américain Pew Research Center sur le futur d’Internet… qu’il convient d’analyser en prenant le recul nécessaire sur ce que les Etats-Uniens considèrent comme positif ou pas en la matière : il faut par exemple garder en mémoire que les acteurs sans réseau (dit « OTT », tels Google, Apple, Amazon) s’appuient sur la neutralité du net pour capter à leur seul avantage le bénéfice des investissements réalisés par d’autres dans les réseaux de télécommunications.