Taxe télécoms pour l’audiovisuel public: quelle taxe pour compenser quelle publicité?

Il y a deux ans, Nicolas Sarkozy créait la surprise en annonçant la prochaine suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques*. Le 5 janvier 2009, elle entrait partiellement en vigueur avant même d’être votée au Parlement (la loi a été promulguée le 5 mars 2009), le président de France Télévisions, Patrick de Carolis, suivant obligeamment la demande en ce sens de la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel.

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Depuis, la publicité n’est diffusée sur France 2, France 3, France 4 et France 5 que dans la journée, une taxe sur les opérateurs de télécoms et les chaînes privées alimente les caisses de l’Etat pour compenser en partie les recettes perdues, la régie publicitaire France Télévisions Publicité est à vendre et la suppression de la publicité de jour est prévue… ou faut-il écrire « était »? En effet, tout l’édifice vacille fortement ces derniers temps:

« Charge administrative incompatible avec le droit européen »

La Commission européenne n’a en effet pas du tout apprécié la taxe créée sur les opérateurs de télécoms pour compenser les recettes perdues de l’audiovisuel public. Elle y voit « une charge administrative incompatible avec le droit européen » et a ouvert une procédure d’infraction contre la France – entamant un processus qui risque de durer, si l’on va vers un procès devant la Cour de justice européenne, jusqu’à trois ans.

Tout cela « grâce » à une directive européenne du 7 mars 2002, dont l’article 12 limite les taxes administratives pouvant être imposées aux opérateurs télécoms, et n’y inclut pas l’audiovisuel public. La Commission européenne vient d’ailleurs d’entamer une enquête sur l’adoption en Espagne d’une suppression de la publicité sur les chaînes publiques, qui a copié la réforme française en taxant elle aussi les télécoms.

Question: si cette taxe est supprimée, comment seront compensés dans le budget de l’Etat les 300 à 350 millions d’euros qu’elle devait rapporter?

La vente de France Télévisions Publicité pas faite, « loin s’en faut »

Au passage, le Conseil d’Etat, saisi contre la décision de France Télévisions de supprimer la publicité en soirée sans attendre le vote de la loi, pourrait bien juger cette décision illégale – c’est en ce sens en tout cas que l’invite à conclure le rapporteur public.

Alors qu’il y a quelques jours, France Télévisions annonçait entrer en négociations exclusives pour céder 70% du capital de France Télévisions Publicité (qui gère aussi la publicité sur Internet des chaînes, ainsi que celle d’autres chaînes hors secteur public français) à l’alliance formée par Publicis et l’homme d’affaires et de télévisions Stéphane Courbit (voir son interview, au côté de Maurice Lévy, président de Publicis, dans Le Figaro), on vient d’entendre un bémol:

Patrick de Carolis, interrogé par le Journal du Dimanche, souligne que « la vente n’est pas faite. Loin s’en faut. » Et il précise que « la vente s’inscrit dans le cadre actuel de la loi qui prévoit la fin totale de la publicité en novembre 2011. Cela étant, j’ai demandé par écrit à l’Etat actionnaire de France Télévisions de me confirmer que ce cadre n’était pas appelé à évoluer. Si la publicité était maintenue avant 20 heures, la privatisation à hauteur de 70% ne se justifierait plus. Tout le processus serait à revoir. »

On l’aura compris: la suppression de la publicité de jour n’est pour le moins pas pour tout de suite…

* « Je souhaite donc que le cahier des charges de la télévision publique soit revu profondément, et que l’on réfléchisse à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques, qui pourraient être financées par une taxe sur les recettes publicitaires accrues des chaînes privées, et par une taxe infinitésimale sur le chiffre d’affaires de nouveaux moyens de communication, comme l’accès à l’Internet ou la téléphonie mobile. » (conférence de presse du président de la République à l’Elysée, 8 janvier 2008)

Subventions à la presse en ligne: qui touche combien?

Actu express: un débat vif s’est engagé entre blogueurs « purs » et presse en ligne (les seconds ayant droit à des subventions gouvernementales dans le cadre du Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne) sur le fait de recevoir, et d’accepter, des aides publiques.

Mais outre les pure players (Mediapart, Rue89, Slate etc.), la presse traditionnelle a également droit à ces fonds pour ses propres activités en ligne… tout en ne tenant guère à la transparence sur le sujet. Aussi est-ce un travail très intéressant qu’a réalisé le journaliste Philippe Couve, qui sur le site Samsa.fr expose après avoir épluché les documents officiels et trouvé un compte-rendu doctobre 2008: « Presse en ligne: qui touche les subventions?« .

Montant des subventions des dernières années, pourcentage de subvention et nature des travaux qu’elles cofinancent, en presse régionale comme nationale, c’est un document qui nourrira le débat. On lit par exemple que Le Monde en 2004 a bénéficié de 1.361.200 euros pour la « mise à jour technologique du site Internet », avec un taux de subvention de 40%.

Philippe Couve a également mis en perspective, pour la période 1999-2003, les données du rapport de la commission de contrôle du fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne. Et indique les subventions pour des projets devant « améliorer la productivité de l’entreprise », « améliorer et diversifier la forme rédactionnelle des publications » et « développer des moyens modernes de diffusion des publications ».

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2004 Le Monde Mise à jour technologique du site Internet 1 361 200 40,00 %

AOL aura perdu les trois quarts de ses effectifs mondiaux en 4 ans!

Actu express: L’Express et Le Monde nous informent qu’AOL ferme définitivement ses portes en France, mais aussi ses bureaux en Espagne et en Suède, en attendant un probable retrait définitif de l’Europe, pendant que l’entreprise licencie également aux États-Unis.

Pionnier du développement du web, […] AOL, qui comptait encore 19 000 employés en 2006, n’en aura plus que 4 400 à l’issue de cette restructuration, qui doit lui permettre de se concentrer sur l’activité de site Internet d’information et de programmes développés en propre. L’entreprise a peu a peu revendu toutes ses activités de fournisseur d’accès à Internet, espérant se recentrer sur la vente de publicités sur ses portails. La mauvaise conjoncture publicitaire en 2009 a cependant plombé encore un peu plus les résultats du groupe. L’action a gagné 1,13 % lundi à la Bourse de New York, à 25,97 dollars.

L’entreprise aura donc perdu les trois quarts de son effectif en à peine 4 ans. C’est malheureusement devenu un lieu commun de dire que travailler dans une activité de pointe ne protège pas du chômage… et sans doute aussi que la publicité, a fortiori en temps de crise et de réflexion sur le développement durable, ne constitue pas forcément l’eldorado que certains avaient cru découvrir pour financer le développement d’activités sur Internet.

Il n’en reste pas moins vrai qu’il devient urgent d’identifier les métiers et les modèles économiques qui permettront à cet outil devenu incontournable dans nos vies quotidiennes de tenir ses promesses en matière de création de richesses et d’emplois.

Radio numérique terrestre: brouillage sur les ondes

Le lancement de la radio numérique terrestre en France se fera-t-il progressivement comme celui de la TNT, ou va-t-il s’enliser? Les rapports et propos contradictoires montrent un flou croissant sur le sujet, sur fond de grande incertitude économique.

Rapport Tessier: remise en cause du calendrier et des modalités

En novembre a été remis au CSA le rapport de Marc Tessier sur la radio numérique terrestre («Les perspectives de financement du projet de radio numérique terrestre»). Pour le moins sceptique, l’ancien PDG de France Télévisions estime qu’il «est encore temps de s’interroger sur l’opportunité du projet». Quel serait le modèle économique de la radio numérique terrestre (RNT), se demande-t-il, alors que les investissements nécessaires seraient de 600 millions à un milliard d’euros en dix ans?

Vieux récepteurs radios: autrefois à la pointe du progrès...
Vieux récepteurs radios: autrefois à la pointe du progrès...

Image Elsie esq. (Flickr) sous licence CC by

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No low-cost

Pendant la trêve des confiseurs, nous vous proposons quelques livres pour « muscler son cerveau » au coin du feu.

En effet, témoignages, études et chiffres à l’appui, de plus en plus de chercheurs, de journalistes et d’experts combattent les courants d’idées dominants qu’on voudraient nous faire prendre pour les seuls valides, voire les seuls existants. Il n’en est rien. Le monde est très différent de ce que veulent bien en décrire les « élites » au pouvoir, chaque citoyen le sait au travers de son vécu quotidien. Encore faut-il disposer des données pour réfuter les contre-vérités. Ces livres nous en fournissent. Nous espérons qu’ils vous seront utiles, et vous en souhaitons bonne lecture.

NoLowCost_couv

Grâce à l’interview de Stéphane Reynaud sur BFM Radio (qui espérons-le mettra le podcast en ligne dans les prochains jours), nous avons eu connaissance de l’ouvrage « No low cost« , co-rédigé par les journalistes Stéphane Reynaud et Bruno Fay, qui en fait une présentation éloquente sur son blog :

Plus aucun secteur n’échappe au phénomène low cost. Synonyme d’achat malin, le low cost représenterait la pierre philosophale de l’économie moderne. Une formule magique capable de concevoir le même produit pour un coût inférieur. L’État lui-même se prend à rêver d’une République low cost.

En réalité, le low cost se traduit le plus souvent par une logique folle de réduction des coûts au détriment de la qualité des produits, des conditions de travail des salariés, des emplois et de la sécurité des consommateurs.

No low cost est un pavé dans la mare, une analyse à contre-courant construite à partir de témoignages inédits. Au terme d’un an d’enquête, les auteurs décryptent les rouages du phénomène low cost pour mieux en dénoncer l’imposture.

Concept à l’origine basé sur une innovation permettant d’offrir un produit ou un service original à un tarif démocratisé, le low cost a été dévoyé pour se résumer au fil du temps une dégradation de l’offre permettant d’en faire baisser le prix de vente. Selon l’auteur interviewé, seul IKEA, qui met le design pratique et contemporain à la portée de toutes les bourses, illustre encore l’idée d’origine.

Dans les télécommunications, il y a aussi dégradation du service avec la baisse des tarifs

Interrogé sur l’arrivée de Free en tant que 4ème opérateur mobile en France, Stéphane Reynaud confirme qu’il ne faut en attendre aucun miracle… si ce n’est  de tirer vers le bas l’ensemble du secteur de la téléphonie mobile, comme cela se produit dans tous les secteurs dès qu’un acteur low cost ou prétendu tel investit le marché.

Les salariés ou ex-salariés des opérateurs de télécommunications en savent quelque chose – rappelons que le secteur a perdu plus de 28 000 emplois en 10 ans, pendant que le chiffre d’affaires des télécommunications augmentait de … 80%.

Les consommateurs aussi, qui s’impatientent chaque jour davantage des piètres prestations rendues par des services clients délocalisés pour faire baisser les prix. Outre les pertes d’emplois sur le territoire national, qui sont chaque mois un peu plus catastrophiques, le simple bon sens permet pourtant de comprendre qu’il est difficile pour un salarié du Maghreb ou de l’Ile Maurice d’assister efficacement les utilisateurs de services dont lui-même n’a pas l’usage, parce qu’ils ne sont pas disponibles dans son pays, ou à un tarif incompatible avec son salaire. Mais le bon sens semble déserter l’esprit des décideurs dès qu’une opportunité de profit supplémentaire se profile…

« Plus belle la vie », riche en produits dérivés, se prépare au placement publicitaire

Actu express: la série télévisée « Plus belle la vie » (26 minutes quotidiennes) propose de nombreux produits dérivés, rapporte un grand article des Échos. Romans, livre de cuisine, jeux vidéo, fournitures scolaires à la rentrée 2010… cette série, regardée par plus de 5 millions de téléspectateurs, utilise toutes les possibilités de vendre sa marque.

Mieux, indique le journal économique, « la production se tient aussi prête pour le placement de produits dans les séries télévisées » et elle « s’estime parée, forte d’une expérience menée en 2007 avec le catalogue Quelle ».

"Plus belle la vie", logo de la série TV
"Plus belle la vie", logo de la série TV

Le CSA (au sein duquel Christine Kelly est chargée du dossier) doit édicter les règles du placement produit d’ici la fin de l’année, en transposition d’une directive européenne. Ce qui pour les critiques comme Acrimed sera le « retour de la publicité clandestine ».

Martin Bouygues s’interroge sur l’avenir de TF1 à l’heure d’Internet

Actu express: scoop des Echos, qui dans un article mis en ligne vendredi, « Martin Bouygues fait plancher ses cadres sur l’avenir du média TV« , annoncent que le PDG du groupe premier actionnaire de TF1 a commandé à une poignée de cadres un rapport interne sur le thème « Face à Internet, que sera la télévision de l’avenir ? ».

Un sujet chaud, note le quotidien économique, alors que l’audience de TF1 glisse doucement et que la montée de la vidéo sur Internet et de la TNT fait concurrence aux émissions hertziennes.

Commandé avant l’été, ce rapport devrait être remis en janvier, selon Les Echos. Il est préparé par « cinq ou six cadres de haut niveau », de Bouygues Batiment, Exprimm (services à l’immobilier), Bouygues Télécom et, pour un seul, TF1.

Série sur la presse écrite mondiale dans Les Echos

Secouée dans le monde entier par la crise et par la montée d’Internet et de nouveaux modes de consommation de l’information, la presse écrite est en quête de renouveau. C’est ce qu’expose Les Echos dans une série d’articles intitulée « Quand la presse écrite mondiale tente de se réinventer », parue du 11 au 20 août dans le quotidien et (gratuitement) toujours en ligne sur son site.

Projets de passage au payant sur le Net du groupe Murdoch, supports de lecture numérique comme ceux d’Amazon ou d’Apple, réussite d’El Confidencial, site espagnol bénéficiaire depuis cinq ans, presse allemande très lue mais qui se bat contre la baisse des tirages et des revenus… pas de solution miracle en vue, mais un panorama plein d’informations à dévorer.

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La décision de l’Arcep le 22 juin sur le déploiement de la fibre optique a tout pour satisfaire les concurrents de France Télécom. Reste à savoir si ce sera au bénéfice des consommateurs: le risque n’est pas négligeable de voir gelé le déploiement de la fibre et donc du très haut débit en raison des incertitudes économiques qu’engendre le choix du régulateur.

Fibre optique
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Image rq? (Flickr) sous licence CC by-sa

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Taxer les FAI pour financer la presse, une mauvaise réponse à une vraie question

La crise que traverse la presse écrite ne fait aucun doute: chute des revenus publicitaires, baisse des achats en kiosque et des abonnements, et plans sociaux jusque dans des titres aussi connus que Le Monde ou Le Figaro.

Face à cette crise, une idée lumineuse vient de germer chez les dirigeants de Libération, Nathalie Collin, coprésidente du directoire du quotidien d’Édouard de Rothschild, qui l’a exposé au Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) le 2 juin, et Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération.

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