Big Data : de nombreux risques, pour l’entreprise comme pour le citoyen

Interviewée en 2012, la Vice-Présidente Marketing américaine du spécialiste de l’informatique décisionnelle SAS affirmait qu’en matière de Big Data, « le plus grand risque est de ne rien faire ». Trois ans après cette déclaration, la plupart des projets de Big Data en sont encore au niveau expérimental.

Pour l’entreprise, le premier risque en matière de Big Data, c’est l’échec !

Etant donné le coût élevé des projets, les dirigeants doivent avoir du mal à accepter des verbatim tels que ceux de la récente étude de Capgemini : « seuls 27% des cadres interrogés estiment que leurs initiatives liées au Big Data sont couronnées de succès ». Voilà un pourcentage de réussite très faible, surtout si on garde à l’esprit que les projets en production ne sont, pour l’instant, pas si nombreux (seulement 13% des entreprises concernées, toujours selon Capgemini).

Il faut dire que les causes potentielles d’échecs sont multiples. L’étude Capgemini met en avant des difficultés d’ordre principalement technique : l’absence de cas d’usages suffisamment clairs pour l’instant, la difficulté de collecte de données dispersées dans des silos non intégrés, une coordination inefficace des démarches d’analyse, une trop grande dépendance vis-à-vis des systèmes préexistants de traitement des données. Les dirigeants français interrogés dans le livre blanc d’EBG proposent une vision qui va au-delà du challenge technique. Ils pointent ainsi du doigt des difficultés plus stratégiques, telles que les risques de « se perdre dans le foisonnement de la donnée » et de se laisser gagner par l’infobésité, ou encore de mal appréhender le « dilemme de la monétisation des données », entre commercialisation directe, ouverture gratuite vers l’extérieur ou confinement interne. Ils évoquent aussi des obstacles organisationnels comme la difficulté à instaurer dans l’entreprise une « culture de la donnée » qui vient souvent se heurter à l’incompréhension et à l’indifférence, sinon à la méfiance ou à la défiance des salariés. Par ailleurs, ils déplorent que les fameux « data scientists » restent, pour l’instant, des profils rares, causant un « épineux problème de compétences ».

Enfin, toutes les questions relatives à la nature même des données personnelles et aux conditions de leur collecte, de leur stockage et de leur analyse, sont bien évidemment au centre du débat. Elles représentent autant de sources potentielles de dangers, tant pour le citoyen, qui met en jeu sa vie privée, que pour l’entreprise, qui met dans la balance la confiance de ses clients. Ces problématiques ont déjà suscité nombre de tribunes libres, mais nous allons ici essayer des sérier les risques.

Mes données privées sur la place publique…

Quelle est actuellement l’opinion sur le Big Data des 600 millions d’utilisateurs du site AdultFriendFinder, « La plus grande communauté de rencontres, de plans et sexe », dont les données ont été piratées et diffusées en ligne il y a quelques semaines ? Figurant parmi les derniers d’une série, déjà longue, de scandales liés aux failles informatiques, cet épisode rappelle à quel point, dans un monde de plus en plus connecté et interconnecté, la question de la sécurité des données est cruciale pour la protection de la vie privée. Il en est de même pour les données financières, le piratage d’un processus d’achat en ligne étant susceptible d’avoir des conséquences économiques très graves, pour l’entreprise comme pour ses clients.

… ou surexploitées par les entreprises et les pouvoirs publics

Ce risque accapare l’essentiel du débat. Alors, bien sûr, en France l’utilisation des données personnelles est soumise à la loi Informatique et Libertés – qui, au passage, est bien antérieure au Big Data, puisqu’elle a été promulguée en 1978 en tant que bouclier au projet SAFARI d’interconnexion des fichiers nominatifs de l’administration que souhaitait mettre en place le gouvernement de l’époque. Par ailleurs, le principe de l’opt-in, notamment dans le cadre d’une utilisation marketing des données, permet de contrôler une partie des informations personnelles que nous divulguons. Mais, chaque jour, les géants du Web inventent de nouvelles façons de scruter et d’analyser nos comportements en ligne : aujourd’hui, c’est Facebook qui nous annonce qu’il va modifier son algorithme, qui sera bientôt capable de mesurer le temps passé par un internaute sur un contenu donné, cette connaissance plus fine des goûts des utilisateurs se traduisant par une publicité toujours plus personnalisée. Et n’oublions pas les objets connectés susceptibles de véhiculer une masse importante d’informations sur nos modes de vie, notre façon de consommer, nos habitudes et préférences. D’une utilisation encore limitée aujourd’hui, ils devraient se répandre dans les années à venir.
Aujourd’hui, qu’il prenne la forme d’une entreprise ou d’un organe étatique, Big Brother ne se cache plus derrière la porte, il l’ouvre en grand sans même prendre la peine de sonner. Sous prétexte de faciliter les échanges économiques ou de renforcer la sureté nationale, les législations fleurissent qui, à l’instar de la récente Loi Renseignement, légitiment le recours à des méthodes de surveillance de plus en plus poussées. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’instauration d’un contexte de plus en plus orwellien et insistent sur l’importance de la protection de la vie privée, même quand on n’a « rien à cacher ».

Et si quelques entreprises accaparaient la donnée ?

La dernière catégorie de risques est liée à une monopolisation de la majeure partie des données par un groupe restreint d’entreprises, en premier lieu les fameux GAFA (Google, Facebook, Facebook, Amazon), susceptibles de les monétiser via le commerce et/ou la publicité.

Big Data_risques_image

La détention de cet or noir est susceptible de leur conférer un pouvoir encore supérieur à celui, important, qu’elles détiennent déjà. Plusieurs menaces affleurent, induites par cette position monopolistique : une vassalisation de la recherche scientifique publique au profit de ces sociétés, une mésinterprétation/surinterprétation des données pour les faire aller dans le sens souhaité sans risque de contradiction, un appauvrissement de l’offre de produits/services proposés en la limitant aux succès prédits par le Big Data, une exacerbation de la fracture numérique entre les entreprises détentrices des données et capables de les analyser… et les autres.

 

Alors, effectivement, en matière de Big Data, le plus grand risque est sans doute que l’on ne fasse rien, que les entreprises et les pouvoirs publics ne prennent pas conscience de leurs responsabilités, ni les citoyens de leurs droits.

Toutes ces problématiques seront bien évidemment abordées lors de l’Université d’été de la CFE-CGC Orange, qui aura lieu en début de semaine prochaine, les 22 et 23 juin.

Loi renseignement : députés et sénateurs trouvent un accord

L’affaire aura été rondement menée. Convoquée ce mardi à 12 h 30, la commission mixte paritaire (CMP) chargée de plancher sur le très controversé projet de loi sur le renseignement a mis moins de deux heures à se mettre d’accord. Si la version adoptée le 5 mai par les députés et celle votée le 9 juin par les sénateurs ne diffèrent pas fondamentalement — toutes deux consacrent une extension inédite des moyens légaux à la disposition des services de renseignement, et instaurent des dispositifs de surveillance massive des réseaux des opérateurs et des hébergeurs —, quelques points de divergence restaient en débat. Mais l’heure était plutôt à l’«unanimisme», a constaté Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire et seule opposante au texte à siéger dans cette CMP.

Lire la suite dans Libération

PS : vous pouvez toujours nous dire ce que vous pensez de cette loi en répondant à notre court sondage en ligne. Merci d’avance pour vos contributions !

Big Data : quelles opportunités pour les entreprises françaises ?

Parmi les « 34 plans de reconquête industrielle » lancés par le gouvernement français en juillet 2014, figurait en bonne place un plan dédié au Big Data, poursuivant l’objectif ambitieux de « faire de la France la référence mondiale dans ce domaine ». Co-piloté par François Bourdoncle, Président du cabinet de conseil FB&Cie, et Paul Hermelin, PDG de Capgemini, il propose une feuille de route, articulée en trois points : renforcer l’offre de technologies et de services (en développant la formation, en favorisant l’innovation ouverte, en soutenant les start-ups), lancer des projets sectoriels publics et privés, et faire évoluer le contexte réglementaire et législatif.

De fait, si l’ogre américain se pose en précurseur incontesté du Big Data, tant pour l’investissement dans cette technologie que pour son adoption, les spécialistes français du secteur présentent certains arguments, tandis que les entreprises de l’hexagone commencent peu à peu à exploiter le filon.

Les start-ups françaises ont des idées… mais ce sont les géants américains qui disposent des données

Comme le montre l’infographie ci-dessous, issue d’une récente étude Xerfi, le secteur du Big Data associe les géants de l’IT, les mastodontes du digital (Google, Apple, Facebook, Amazon, désormais identifiés sous le sigle GAFA) et une foule de start-ups spécialisées dans un domaine ou un autre.

Big Data_opportunités_image1

Si on met de côté les intégrateurs, la plupart des spécialistes français du secteur sont des start-ups, et non des grands groupes. Cela ne les empêche pas d’enregistrer de belles réussites, à tous les étages de la chaîne de valeur du Big Data : la production et la collecte des données, avec plusieurs leaders sur le marché des objets connectés, tels que Withings, Netatmo ou encore Parrot, le traitement et l’analyse, avec des spécialistes comme 1000mercis ou fifty-five, et la mise en oeuvre de nouvelles applications, à l’instar de Criteo, qui séduit les annonceurs du monde entier avec son service de reciblage publicitaire (un internaute s’intéresse à un produit sur un site A, sans l’acheter ; lorsqu’il visite un site B, il voit apparaître une bannière publicitaire pour ce même produit, avec redirection vers le site A).

Alimenté par une formation de qualité, le tissu vivace des start-ups françaises part toutefois avec un handicap certain, un constat qui vaut d’ailleurs pour l’ensemble de l’Europe : la plus grande part des données est aux mains des entreprises américaines, notamment les fameux GAFA qui contrôlent les services grand public les plus développés de l’univers numérique. Sur le plan mondial, seule la Chine est capable de rivaliser, avec des acteurs comme le moteur de recherche Baidu, la plateforme de e-commerce Alibaba ou le spécialiste des services Web Tencent.

Aussi, pour favoriser le développement du Big Data de l’Hexagone, les principaux acteurs français plaident pour une libéralisation des données personnelles, notamment via l’assouplissement d’un cadre juridique qu’ils trouvent trop restrictif. Par ailleurs, de grandes entreprises envisagent la mise en commun de leurs données, à l’image de l’expérimentation Mesinfos menée, depuis 2012, par la Fing, en collaboration avec des acteurs de divers secteurs comme AXA, la Banque Postale, la Société Générale, Intermarché ou Orange, qui a permis de créer de nouveaux services autour des « selfdata ».

Les entreprises françaises avancent (doucement) dans l’exploitation du Big Data

La maturité des entreprises françaises en matière d’exploitation du Big Data reste encore limitée. Comme d’habitude, les données statistiques varient d’une étude à l’autre, en fonction des périmètres d’analyse, mais le cabinet Markess fournit un panorama assez exhaustif : 75% des décideurs interrogés affirment avoir une bonne connaissance du sujet et, si seuls 11% indiquent avoir déjà mené un projet lié au Big Data, 37% mentionnent avoir des réflexions ou des projets en cours.

L’étude Ernst & Young nous permet de comprendre pourquoi le « Big Data bang » n’a pas encore eu lieu en France, en remontant 10 freins à la mise en œuvre des projets, étayés par autant de chiffres :

Big Data_opportunités_image2

Ajoutons à cela un coût encore assez dissuasif, et on comprend mieux pourquoi, malgré un frémissement, le Big Data n’a pas réellement décollé en France. Si les cabinets d’études et autres think tanks ne sont pas avares de propositions pour susciter ce décollage, de nombreuses interrogations demeurent encore. Sans parler des risques associés, pour les acteurs économiques comme pour les citoyens… qui feront l’objet du prochain article.

Le Big data : un tournant majeur pour l’humanité ?

Interview de Gilles Babinet, entrepreneur dans le numérique, sur le rôle du Big Data dans l’économie numérique d’aujourd’hui dans le cadre de son ouvrage : « Big Data, penser l’homme et le monde autrement ».

Gilles Babinet interviendra mardi 23 juin à l’Université d’été de la CFE-CGC Orange pour débattre de ces thèmes. Vous pourrez également y trouver son livre.

Vous et la Loi sur le renseignement

La Loi sur le Renseignement vient d’être amendée en Commission Mixte Paritaire par le Sénat, et votée le 9 juin par la Haute Assemblée.

Elle a fait l’objet de nombreuses prises de positions dans les médias.

Et vous, qu’en pensez-vous ?
online-pollPour participer à ce sondage anonyme : il suffit de vous connecter ici pour répondre à 8 questions courtes, jusqu’au 18 juin 2015.

Les résultats seront présentés et commentés lundi 22 juin, pendant l’Université d’été de la CFE-CGC Orange. Ils seront également restitués sur le blog Télécoms, Média & Pouvoirs, et dans le dossier de synthèse que nous publierons à la rentrée sur le site www.cfecgc-orange.org.

5ème Université d’été de la CFE-CGC Orange les 22 et 23 juin 2015

formation2

Enjeux de la numérisation de nos vies

Les universités d’été de la CFE-CGC Orange ont pour objectif de prendre du recul afin de réfléchir sur des sujets clefs pour notre secteur d’activité, avec l’aide d’universitaires, chercheurs, et acteurs du marché.

Cette année, nous avons souhaité faire le point sur les enjeux de l’exploitation des données engendrées par la multiplication des outils numériques, que nous aborderons sous 4 angles particuliers :

  • Exploitations du « Big Data » : état des lieux, enjeux, acteurs, intérêts et risques, régulation possible, segmentation des exploitations (ciblage commercial, sécurité et surveillance, exploitations citoyennes au bénéfice de la collectivité).
  • Cybersécurité : enjeux de la loi sur le renseignement.
  • Données personnelles dans l’environnement professionnel : quid des données collectées par les outils numériques mis à disposition par l’employeur ? (droit et bonnes pratiques)
  • Digitalisation du travail et du dialogue social : quelles pistes d’évolution ?

 

Notre questionnement vise à éclairer les questions suivantes :

Comment respecter un juste équilibre entre liberté et sécurité ?

Quelles pistes pour une exploitation des données au bénéfice de l’intérêt collectif ?

Quelles protections contre les exploitations mettant en risque les salariés, les citoyens et leurs libertés ?

Invitation presse

Les journalistes sont cordialement invités à participer à cette Université d’été, qui se déroule au Novotel Porte d’Italie – 22 rue Voltaire – Le Kremlin Bicêtre (métro ou tram Porte d’Italie).

Pour confirmer votre présence aux débats et aux tables de presse organisées lundi et mardi, merci de contacter Jean-Claude Minet (pdfcoordonnées et programme détaillé à télécharger ici).

 

Sur ce blog, vous pouvez également retrouver une série d’articles éclairant les débats que nous approfondirons avec nos intervenants. Suivez le tag « Université d’été« 

Le problème avec l’exception, c’est quand elle devient la règle

Le Sénat vient, sans surprise, d’approuver à une très large majorité le toujours aussi contesté projet de loi sur le renseignement, le modifiant légèrement pour un peu plus d’encadrement, sans rien changer au fond du texte. Les fameuses « boîtes noires », censées permettre la détection de terroristes présumés en analysant le trafic chez les hébergeurs et les fournisseurs d’accès, sont notamment passées comme une lettre à la poste.

Au même moment, l’impertinente équipe de Data Gueule, émission de format court produite par France 4, vient de publier une vidéo pédagogique intitulée « Privés de vie privée ? ».

Après avoir, il y a quelques mois, décortiqué les chiffres et les enjeux liés au Big Data, l’équipe de DataGueule explique les tenants et les aboutissants de la Loi Renseignement. « Protéger le secret des communications, c’est éviter que l’exception devienne la règle » estiment les auteurs. Ils évoquent notamment l’exemple du Patriot Act américain, adopté temporairement après le 11 septembre 2001 et toujours en vigueur, bien que récemment remis en cause après les révélations d’Edward Snowden sur les pratiques de la NSA.

Prochaine étape au Conseil Constitutionnel, qui va visiblement avoir beaucoup de travail puisque tout le monde veut y soumettre la Loi Renseignement, le Président de la République, un groupe de députés et, désormais, un groupe de sénateurs.

Et si l’on payait pour Facebook ?

Le blog Big Browser relaie l’intéressante tribune d’une sociologue américaine, Zeynep Tufekci. Extrait :

Et alors que les inquiétudes vont grandissantes sur les enfreintes à la vie privée qu’induit cet hyper-ciblage publicitaire, Zeynep Tufekci postule que beaucoup de gens « seraient contents de pouvoir payer plus de 20 cents par mois à Facebook ou à Google pour ne pas [les] surveiller, pour un meilleur chiffrement [des communications] et pour [les] traiter comme [des] client[s] dont les préférence et la vie privée comptent »« Si rien que le quart des 1,5 milliard d’utilisateurs de Facebook acceptaient de payer un dollar [0,9 €] par mois […], cela rapporterait plus de 4 milliards de dollars par an. » 

Et elle remet en cause le fait que les internautes refuseraient catégoriquement de payer pour les services « gratuits » qui actuellement ne servent qu’à collecter nos données personnelles.

La question est intéressante, et pourra être évoquée lors de l’Université d’été de la CFE-CGC Orange les 22 & 23 juin prochains…

Et maintenant, le Big Data va sauver le monde !

Il y a quelques jours, le journal Les Echos offrait une tribune libre à Jeffrey Sachs, intitulée « Les données, une nouvelle arme contre la pauvreté ». L’économiste américain, directeur de l’Institut de la Terre de l’Université de Columbia et consultant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-moon, commence fort en affirmant :

Avec de faibles investissements, cette massification des données pourrait également conduire à une révolution du développement durable. Et accélérer les progrès vers l’éradication de la pauvreté, en favorisant l’intégration sociale et la protection de l’environnement.

Sachs détaille les nombreux bienfaits liés au Big Data, qui « révolutionne déjà » la fourniture et la gestion des prestations de services par les gouvernements et les entreprises, et qui permet « à l’opinion publique d’identifier les problèmes et de tenir les institutions publiques et les entreprises pour responsables ». Il lui attribue enfin un dernier objectif : « permettre à l’opinion publique de savoir si oui ou non un objectif mondial est réellement atteint ». Evoquant les objectifs du programme Millénium de l’ONU, dont il est l’instigateur et le directeur, il évoque le manque de connaissances précises pour savoir s’ils ont été atteints, « en raison de l’absence de données de haute qualité, en temps opportun » et estime que « la révolution des données peut mettre fin à des longs délais et améliorer considérablement la qualité de ces données ».

De façon peu surprenante, Jeffrey Sachs nous offre ici une vision complètement angélique du Big Data. De fait, il prêche pour sa paroisse. En fait, il semble que la majeure partie des objectifs fixés dans le cadre du programme Millénium ne soient pas mesurables. Ainsi, cité dans le Financial Times, un rapport de l’ONU estime que moins de 60% des données permettant cette évaluation sont disponibles dans les pays émergeants (cf. graphe ci-dessous), et ce malgré « d’énormes investissements ». Mieux encore, seulement la moitié de ces données est fournie par les pays eux-mêmes, l’autre moitié étant estimée. Difficile, dans ces conditions, de justifier de la réussite d’un programme dont même le Secrétaire Général de l’ONU reconnaît l’insuffisance des avancées.

Big Data_déceloppement_imageCe n’est évidemment pas la première fois qu’est évoqué le recours au Big Data pour les problématiques liées au développement – l’ONU y a même dédié un programme, Global Pulse. Mais il est étonnant que le très sérieux journal Les Echos n’ait pas apporté de contrepoint à la vision de Jeffrey Sachs. Ils auraient, par exemple, pu faire appel au statisticien français Emmanuel Letouzé, fondateur du think tank Data-Pop Alliance. Sa très intéressante interview pour le site KDnuggets montre notamment que s’il promeut le Big Data en tant qu’outil statistique pour l’évaluation des politiques de développement, il n’oublie pas de questionner ses aspects politiques et éthiques (protection de la vie privée, accès aux données, anonymisation) ainsi que la validité des données recueillies : selon lui, la production de ces dernières par une certaine catégorie de personnes seulement, par exemple celles qui ont accès à Internet, introduit un biais dont les modèles prédictifs doivent impérativement tenir compte.

Au final, Les Echos passent sous silence le risque important à laisser croire que le Big Data est la solution à tous les problèmes.

Retrouvez ci-dessous notre série d’articles portant sur le Big Data, problématique qui sera au centre de l’Université d’été de la CFE-CGC Orange, qui aura lieu les 22 et 23 juin.

Les démocraties européennes face à la tentation de la « boîte noire »

Dans Le Monde du 2 juin, une Tribune de Bernard Benhamou, Secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique :

En l’espace de quelques années, l’Internet est devenu l’épine dorsale de nos sociétés ainsi qu’un levier majeur de transformation économique, sociale et culturelle. Les révélations d’Edward Snowden et les attaques menées sur les réseaux ont mis en lumière les nouveaux défis auxquels sont confrontés les États, les acteurs économiques et les citoyens eux-mêmes, pour préserver leur souveraineté numérique.

Plus récemment, les débats autour de la loi sur le renseignement ont mis en évidence la nécessaire maîtrise que devront acquérir les responsables politiques pour faire face aux enjeux issus des technologies. En effet, les architectes du réseau pourraient bientôt faire évoluer les formes mêmes de nos sociétés et à terme modifier le modèle démocratique européen.

Au moment où les instruments de la souveraineté sont devenus indiscernables des outils technologiques, développer auprès des citoyens une culture des choix technologiques deviendra une exigence démocratique. Une culture d’autant plus nécessaire qu’elle sera seule à même d’éviter que les mécanismes qui régissent nos sociétés ne deviennent à leur tour des « boîtes noires » pour les citoyens.

Lire la suite dans Le Monde

Bernard Benhamou est l’un des invités de l’Université d’été de la CFE-CGC Orange. Il interviendra le 22 juin pour nous éclairer et débattre sur la question de la collecte des données et de la cybersurveillance.

Les objets connectés dans la santé : bientôt tous mesurés ?

La présentation faite par Jean-Luc Errant, fondateur de Cityzen Sciences (spécialiste du textile connecté), nous parle de meilleures conditions de vie pour ceux qui ont des pathologies chroniques, de prévention des TMS (Troubles musculo-squelettique) au travail, et de manière plus générale, de prévention des risques.

Mais moi, ça me fait quand même froid dans le dos… Est-ce que demain, la Sécu m’obligera à porter un T-shirt connecté pour vérifier que mon activité physique est suffisante par rapport à mon profil de risque, faute de quoi elle ne me remboursera plus les traitements médicaux correspondants ? (qu’on appellera dans le futur non plus des « médicaments de confort », mais des « médicament de flemme », que la collectivité ne saurait prendre en charge, ça va de soi !!)

Comment ça, j’ai mauvais esprit ?

Loi Renseignement : Le Medef peine à trouver une position commune

Petite rétrospective concernant la Loi sur le renseignement, dans L’Usine Digitale. Extrait :

Alors que la loi sur le Renseignement sera soumise mardi 5 mai au vote de l’Assemblée nationale, le Medef ne s’est pas fait de religion sur son opportunité. Le sujet divise les fédérations et les sensibilités. Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président de l’organisation patronale nous confie tout de même son sentiment personnel.

[…]

L’une des fédérations du Medef, le Syntec numérique, est vent debout contre le projet. Elle sonnait l’alerte dès le 18 mars dernier dans un communiqué de presse intitulé « Projet de loi renseignement : vers un Patriot act à la française ? ». Depuis, son président, Guy Mamou-Mani, se montre des plus virulents. Le 14 avril, il déclarait aux Echos : « Les entreprises que je représente n’ont pas vocation à devenir des auxiliaires de police« .

Les hébergeurs, sous la bannière #Nipigeons, Niespions, ont lancé une pétition contre la loi et menacent de délocaliser leur datacenters. Ils ont convaincus un certain nombre d’éditeurs, de start-up, de FAI. Stéphane Richard, le président d’Orange, plus prudent compte-tenu de sa tutelle, a estimé que les dispositifs d’analyse automatique de données « doivent rester techniquement sous le contrôle des opérateurs ». Il plaide pour « plus de dialogue avec le gouvernement. »

Retrouver le texte intégral dans L’Usine Digitale, ainsi que les autres articles du dossier sur la loi, dans le menu de gauche.

Les impacts de cette nouvelle  Loi sur le renseignement seront évoqués lors de l’Université d’été les 22 é& 23 juin prochains.

Des technologies de l’empathie… aux technologies de la manipulation

Bientôt, non seulement nos systèmes techniques seront dotés de personnalités, mais il sauront aussi prendre en compte la personnalité de ceux avec lesquels nous interagissons, rapporte Aviva Rutkin (blog, @realavivahr) pour le New Scientist. Par exemple, en nous aidant à être plus empathiques dans nos manières de communiquer…
Demain, le « correcteur comportemental »
C’est ce que propose dès à présent Crystal Knows qui présente son application comme « la meilleure amélioration apportée à l’e-mail depuis le correcteur orthographique » et qu’on pourrait qualifier de « correcteur comportemental ».

Lire la suite sur le blog d’InternetActu

Cet article illustre de manière très concrète un type d’utilisation qui peut être faite des données personnelles que nous éparpillons sur le net, consciemment ou non, et démontre l’exactitude des interrogations d’un philosophe comme Eric Sadin. La révolution du BigData est un bouleversement plus fondamental de nos sociétés que la révolution  industrielle, car elle a une influence puissante sur nos comportements et notre manière de penser.

Saurons-nous encore penser par nous même lorsque tous les éléments de nos vies seront numérisés ? Serons-nous encore des humains… ou des marionnettes manipulées par des algorithmes ?

Une des questions que nous nous poserons lors de l’Université d’été de la CFE-CGC Orange, les 22 & 23 juin prochains.

Le gouvernement recule sur le contrôle des données personnelles des chômeurs

Le gouvernement a annoncé ce mardi avoir retiré un amendement au projet de loi sur le dialogue social visant à permettre à certains agents de Pôle emploi d’accéder aux données personnelles (comptes bancaires, factures de téléphone…) des chômeurs suspectés de fraudes. Déposé vendredi par le gouvernement, l’amendement «va être retiré», car «le ministre s’est rendu compte que ça n’avait pas été suffisamment concerté», a indiqué l’entourage du ministre du Travail, François Rebsamen. «Il s’agissait de donner à Pôle emploi les mêmes moyens de contrôle que les Urssaf», a expliqué cette source, précisant que le ministre ne souhaitait pas que cet amendement soit «interprété comme une volonté de stigmatiser les chômeurs».

L’article complet dans Libération – 26 mai 2015

La conclusion de l’article est particulièrement intéressante :

Pôle emploi a détecté 89 millions d’euros de fraude sur les neuf premiers mois de 2014, selon le dernier bilan disponible. En 2013, 100 millions d’euros de fraude avaient été détectés, un montant qui reste faible par rapport aux 30 milliards d’euros d’allocations chômage versés cette année là. Et par rapport, plus encore, à la fraude fiscale, estimée à 60 milliards d’euros au minimum.

Le fait que le Ministère ait souhaité mettre en œuvre une telle mesure reste particulièrement inquiétant, non seulement en termes de stigmatisation des demandeurs d’emplois, ce qui est vraiment un comble compte tenu du contexte actuel, mais aussi par la volonté d’étendre toujours plus le contrôle de l’État sur les citoyens.

Là où il faut modérer le propos, c’est qu’au moins il est clairement annoncé… alors que les objets connectés, applications ou sites web qui traquent vos données le font rarement de manière explicite. Et ce qui ouvre une lueur d’espoir, c’est qu’on peut faire reculer le gouvernement sur de telles décisions. Il faut donc se mobiliser sur la préservation de nos données personnelles, de toute nature et qui que ce soit qui les collecte.

Notre Université d’été 2015 permettra de mieux comprendre ce qui est à l’œuvre. Vous pouvez aussi suivre la série commencée sur ce blog sur le « Big Data ».

Big Data : au commencement était la donnée

Et si on partait du point de départ ? Les données sont en effet ce qui donne un sens à la notion même de Big Data – ou mégadonnées, selon les recommandations linguistiques de la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France.

Selon la définition, faisant désormais autorité, énoncée par Gartner en 2012, les données du Big Data présentent trois caractéristiques majeures, que les nouvelles technologies de traitement de l’information permettent de prendre en compte : leur Volume, leur Variété et leur Vélocité. La littérature marketing y rajoute parfois 2 V complémentaires, la Véracité (la qualité et la fiabilité des données) et la Valeur (leur caractère monétisable).

De fait, depuis le début de l’ère numérique, le Volume de données existantes a connu une croissance exponentielle. Si cette notion peut être appréhendée plus aisément à travers des infographies comme celle de VoucherCloud, elle peut être résumée en quelques chiffres : il y a un peu plus de 10 ans, le trafic Internet était de l’ordre de 100Go de données échangées par seconde (soit autant qu’en un jour entier 10 ans auparavant). Aujourd’hui, nous avons dépassé les 30 000Go par seconde et nous devrions atteindre les 50 000Go d’ici à 2018. Conséquence de cette explosion des volumes, 90% des données aujourd’hui existantes datent de moins de 2 ans.

Big Data_données_image 1

Au-delà de l’augmentation du nombre d’utilisateurs de solutions IT et de la croissance des volumes opérationnels de données, c’est surtout la Variété de plus en plus grande des sources, liée à l’évolution des usages et des technologies de traitement de l’information, qui justifie cette croissance exponentielle. Hier, les données utilisables par les acteurs du monde socio-économique se limitaient à des informations hautement formatées. Aujourd’hui, le Big Data permet de traiter tout type de donnée, dans sa forme originelle, non structurée, multipliant ainsi les sources.
Les comportements en ligne – plus ou moins anonymes –, comme la navigation, la recherche et l’utilisation des outils de communication sont les premiers qui viennent à l’esprit. Les informations et comportements clairement identifiés sont eux aussi « trackés », à l’image de toutes les interactions en ligne avec les entreprises, telles que le remplissage de formulaires, les réactions à l’e-mailing, les objets et services achetés, les transactions financières, l’utilisation des coupons de fidélité, ou les échanges liés au SAV : tous les clients d’Amazon peuvent constater qu’aucun de leurs faits et gestes sur ses sites n’échappe au plus connu des e-commerçants. Ce qui change, c’est que toutes les entreprises s’y mettent, de façon parfois plus discrète mais pas moins intensive. N’oublions pas les réseaux sociaux, puisqu’il semblerait, selon une récente étude, que Facebook nous connaisse mieux que nos meilleurs amis. Les contenus, photos, vidéos, musique, articles de blogs, que nous créons, lisons, partageons et auxquels nous réagissons n’échappent pas non plus au Big Data. Et bien sûr, cela fonctionne aussi en mobilité, grâce à nos chers smartphones et autres tablettes, qui dévoilent par ailleurs des informations concernant notre usage des applications ainsi que nos données de géolocalisation.
C’était tout – et déjà beaucoup – jusqu’à l’émergence de l’Internet des Objets. Désormais, notre corps, « augmenté » par les « wearables » tels que les montres ou les bracelets connectés, peut révéler des informations concernant notre santé ou notre activité physique. De même, notre maison, équipée de solutions connectées relatives à la sécurité, à la gestion énergétique ou au simple confort peut en dire beaucoup sur nos habitudes, tout comme notre voiture, possiblement connectée elle aussi, au-delà du seul GPS. Nous voilà donc 100% connectés dans un environnement qui ne l’est pas moins et livre, en open data, ses propres informations, des statistiques démographiques et économiques aux données nécessaires au bon fonctionnement des services publics (transport, éducation, vie culturelle, etc.).

Big Data_données_image 2

Déjà évoquée dans ces colonnes, l’excellente web-série interactive Do Not Track fournit des illustrations assez édifiantes de la façon dont toutes nos données sont collectées.

Nombreuses et variées, ces données sont de plus en plus souvent exploitées en temps réel, justifiant le 3ème V, dédié à la Vélocité.

Il n’est pas étonnant que ces données en nombre infini, qui décrivent de plus en plus précisément nos comportements et leur évolution, soient désormais considérées comme le moteur principal de l’économie numérique. Le Web en témoigne d’ailleurs, filant généreusement les métaphores aurifère et pétrolifère. En offrant des opportunités d’analyse plus larges et plus fines, le Big Data ouvre de nouveaux horizons, non seulement au confort des utilisateurs, mais aussi à la prise de décision des entreprises et des organisations. Pour quels usages ? Avec quels intérêts et quels risques ? La suite au prochain numéro…