Les opérateurs télécoms en 5 graphiques : intégration des données 2011

Comme chaque année, nous actualisons les graphiques qui permettent d’appréhender, de manière synthétique, les principaux indicateurs clefs des opérateurs de télécommunications en France. Vous pouvez également retrouver nos analyses des données 2010 et 2008

Ces indicateurs proviennent de l’Observatoire des marchés consolidé par l’Arcep, régulateur français des télécoms, les chiffres étant tirés des séries annuelles depuis 1998, dont nous intégrons les actualisations rétroactives dans nos graphiques.Nous les complétons par l’analyse des données présentées par France Télécom dans son document de référence 2011.

Ils ne concernent que les opérateurs de télécommunications, hors activité des autres acteurs de la filière, et le marché français.

Pour la première fois en 2011,
les revenus globaux des opérateurs baissent

Précisons que les usages et le nombre d’abonnés continuent de croître : la baisse des revenus est donc bien liée à une baisse des prix.  Si jusqu’alors le modèle d’évolution des tarifs était plutôt « plus de services pour la même valeur faciale »‘, on bascule désormais vers « autant ou plus de service pour moins cher ». Le mouvement s’est bien sûr accentué début 2012 avec l’arrivée de Free sur le marché des mobiles.

Cette baisse de valeur n’est pas sans conséquences sur l’emploi, quoiqu’en croient encore certains.

Seul France Télécom alimente une légère croissance des emplois…

S’il a été le plus gros destructeur d’emplois de la filière (52 700 emplois supprimés en 12 ans, à compter de la libéralisation du marché des télécoms), France Télécom est désormais le seul à alimenter la reprise des embauches… sous la pression des organisations syndicales qui les ont négociées dans la cadre du « nouveau contrat social » mis en place par la nouvelle Direction de l’entreprise après la crise sociale et le départ de Didier Lombard, désormais mis en examen suite à la mise en œuvre d’une politique délétère pour les personnels.

Les opérateurs représentent un peu moins de la moitié des emplois du secteur, qui pèse entre 300 et 345 000 emplois au total, lorsqu’on y inclut l’ensemble des emplois induits, chez les équipementiers (équipements de réseaux et terminaux), les sous-traitants (prestations de conseil aux opérateurs, d’assistance clients – call-centers ou interventions chez les clients – , installation et maintenance des réseaux…), et les distributeurs indépendants. (vcir l’étude de la Fédération Française des Télécoms, et celle de Bruno Deffains, économiste). Ces trois dernières années, les équipementiers ont fait des coupes sombres dans leurs effectifs en France et en Europe.

… tandis que les opérateurs alternatifs ont détruit près de 1700 emplois en 2011.

Il est bon au passage de rappeler que les destructions d’emplois ne passent pas forcément par des plans sociaux ou des plans de départs volontaires. Le non remplacement des personnels en fin de contrat pour diverses raisons est aussi une destruction d’emplois, certes moins douloureuse en première approche, mais qui contribue à l’augmentation du chômage en France. Les discours « politiquement corrects » sur le sujet ces dernières années tendent à le faire oublier, alors que nous sommes entrés dans une ère de chômage de masse qui pèse sur l’ensemble de la société française, à la fois sur le plan économique (il faut bien payer les cotisations chômage, et cela pèse sur la compétitivité du travail en France, ou que les familles prennent en charge leurs membres sans emploi, ce qui réduit d’autant leur capacité à consommer par ailleurs), mais également sur le plan sociétal (développement des exclusions et des inégalités, qui génèrent également de l’insécurité).

 Les investissements reprennent, mais parfois en trompe-l’oeil…

Tous les investissements ne sont pas affectés au déploiement de nouveaux réseaux : outre la maintenance des réseaux existants, France Télécom inclut dans ses CAPEX le renouvellement des Livebox de ses clients.

Nos commentaires

Alors que le nouveau gouvernement s’inquiète des nouvelles suppressions d’emplois qui s’annoncent chez les opérateurs de télécommunications, ces quelques rappels permettent de remettre les idées en place quant à l’évolution de ce secteur d’activité, et, nous l’espérons, de repenser la régulation du secteur. Sous l’impulsion d’une idéologie libérale, également poussée par Bruxelles, qui ne jure que par les bénéfices de la concurrence pour le consommateur, l’État et le régulateur ont ces dernières années totalement négligé le volet « emploi », pourtant explicitement mentionné dans le code des Postes et Télécommunications comme sous leur responsabilité conjointe.  Il est plus que temps de revoir la copie, et de se poser la question de manière plus globale.Y compris d’ailleurs au niveau du citoyen-consommateur : vaut-il mieux payer quelques euros de plus chaque mois sur sa facture de téléphone, ou financer des cotisations sociales, non seulement chômage, mais aussi couverture sociale et retraites, tout chômeur constituant en la matière un manque à gagner pour les comptes sociaux de la nation ?

Sortir des visions de court terme et trop individualistes ne pourra qu’être bénéfique, à moyen terme, pour chaque citoyen.

La filière télécoms en France #2 : leviers d’actions

Pour lire ou relire le premier épisode :  La filière télécoms en France #1 : l’emploi menacé dans un secteur stratégique

Inutile de préluder sur l’importance stratégique des télécommunications et plus globalement des technologies de l’information, qui sont notamment :

  • Aussi stratégiques que les réseaux de transports pour l’économie nationale
  • Un secteur en croissance et donc potentiellement porteur d’emplois
  • Un secteur clef pour l’innovation technologique, avec des répercussions sur la compétitivité de toutes les entreprises françaises

Notre organisation syndicale ne prétend pas avoir traité tous les sujets, nous avons simplement tenté de préserver ce qui aurait pu l’être chez les opérateurs de télécommunications, dans le cadre de notre mission en tant que syndicalistes.

Les compétences professionnelles en veille, marketing et stratégie des principaux animateurs du syndicat nous permettent cependant de soulever quelques pistes d’investigation pour permettre au secteur des TIC dans son ensemble d’être mieux au service des citoyens français, qu’ils soient salariés ou consommateurs. Nous déplorons que le système libéral actuel ne voie que le consommateur, c’est une vision étroite, court-termiste, et contre-productive, non seulement pour l’emploi, mais aussi pour les valeurs citoyennes de solidarité entre les différents groupe sociaux. En tant que syndicalistes, nous savons trop bien combien il est difficile aujourd’hui de construire et d’entretenir des collectifs.

Pour une analyse focalisée de cette question sur les opérateurs de télécommunication, voir notre tribune Dogme de l’hyper concurrence + consumérisme = délocalisations et décroissance.

La réglementation en vigueur laisse des marges de manœuvre pour  créer des emplois, sans coût pour l’État

 500 millions d’euros par an et 25 000 emplois à gagner en localisant les centres d’appels en France

Extrait de notre communiqué contre la hausse de la TVA sur l’accès Internet – septembre 2010

Il n’existe aucune contrainte sur l’emploi dans le cahier des charges des concessions de domaine public ou des licences, telles que les licences de téléphonie mobile ou le service universel que France Télécom assure en très grande partie.

Depuis plusieurs mois, la CFE-CGC/UNSA demande qu’une clause de localisation des emplois en France s’applique à tous les acteurs exploitant des ressources appartenant au patrimoine national.

Les fréquences hertziennes sont des ressources rares et leur attribution crée de fait un oligopole favorable aux acteurs économiques en bénéficiant. Comment se fait-il dans ce cas qu’elles ne profitent pas à l’emploi national ?

Si l’obligation de localiser leurs centres d’appels en France, ou en Europe s’appliquait à l’ensemble des opérateurs télécoms, il n’y aurait pas distorsion de concurrence. Ni l’Union Européenne, ni l’OMC (Organisation mondiale du commerce), ne s’y opposeraient. Cette dernière admet que ce qui relève du domaine national ou des services publics soit l’objet de contraintes de cette nature. Les conditions associées à l’attribution de la 3ème licence en Tunisie, obtenue par un consortium auquel France Télécom participe, le démontrent (Il est intéressant au passage de noter que les économies émergentes savent d’ores et déjà se protéger, pendant que l’Europe échoue à préserver ses emplois.).

Sur le seul secteur des télécoms, cela permettrait de relocaliser en France environ 25 000 emplois. Certes, cela augmentera les charges pour les opérateurs : un milliard d’euros au lieu de 650 à 700 millions pour les mêmes emplois en délocalisé, mais cela générera des recettes importantes pour la collectivité.

Caisses d’Assurances Maladie, Caisses de retraites, Cotisations chômage, Impôts sur le revenu, TVA sur les produits consommés par les personnes ayant retrouvé un emploi salarié, etc. : c’est au minimum 500 millions d’euros par an qui viendront alimenter les comptes de la nation si ces délocalisations sont interdites.

Des emplois à gagner aussi chez les équipementiers

  • Côté équipements de réseaux : le cahier des charges des licences de télécommunications et du service universel pourraient comporter des obligations sur l’achat d’équipements européens.
  • Côté équipements grand public : les opérations financées en tout ou partie par des fonds publics (comme la fameuse opération « tablettes à un euro » citée + haut) ou simplement promues par la puissance publique devraient systématiquement considérer la possibilité de favoriser en priorité des équipementiers français.

La séparation fonctionnelle : juste une mauvaise idée

Nos militants ont été consternés de lire dans la presse que François Hollande se prononcerait pour la séparation fonctionnelle, et nous peinons à comprendre sur quoi s’est appuyée la réflexion des sénateurs.

France Télécom : François Hollande en faveur de la séparation fonctionnelle.

Le candidat François Hollande, influencé par la nouvelle majorité sénatoriale, va créer la surprise en se prononçant en faveur de la séparation fonctionnelle de France Télécom. Une initiative non dénuée d’arrière pensées tant France Télécom est dos au mur de l’impossible équation : investissements et dividende élevés, qui plus est dans un marché qui stagne, sans pouvoir toucher aux effectifs (100 000 personnes en France dont 60% de fonctionnaires).

L’idée générale serait de créer un « RTE » ou « RFF » des infrastructures télécoms, structure à laquelle serait transférée la majorité des collaborateurs de l’opérateur historique, tout en faisant un pari sur l’impact que pourrait avoir un tel dispositif en termes d’aménagement du territoire et de déploiement du très haut débit.

Note :   Le candidat a démenti depuis, tant mieux !

Une proposition imprécise basée sur des constats erronés

Il apparaît difficile de faire des analogies entre le secteur électrique ou ferroviaire, dont la croissance est très modérée, avec celui des télécommunications, dont la croissance est plus dynamique. Nous ne nous permettrons pas de juger du succès de RTE ou de RFF, mais nous pouvons donner quelques « clefs » de compréhension sur le secteur des télécoms.

  • Les constats avancés sont faux, qu’il s’agisse de la stagnation du marché ou du fait qu’on ne puisse toucher aux effectifs de France Télécom (cf infra). Certes, la croissance du CA France n’est plus aussi rapide qu’elle le fut, et pourrait se ralentir avec la crise, mais faut-il pour autant favoriser la suppression d’emplois dans ce secteur ? Et dans quel but ? Rappelons que nous parlons d’un marché français de services consommés sur le territoire, et non de produits manufacturés tenus de concurrencer à l’export des pays à faible coût de main d’œuvre.
  • En France, il y a 4 réseaux de télécommunications : celui de France Télécom-Orange, et ceux des 3 autres opérateurs : Bouygues Télécom, SFR, Free. Que veut-on séparer exactement ?
  • Si le but est de mettre les fonctionnaires de France Télécom dans une structure et les salariés dans l’autre, il faut se souvenir que les deux populations sont présentes dans toutes les divisions de l’entreprise, et que leurs compétences métier n’ont pas de relation avec leur statut contractuel.
  • Dans le secteur des télécoms, réseaux et services sont étroitement imbriqués, qu’il s’agisse de la capacité à proposer des services innovants ou d’en optimiser la rentabilité (plus les réseaux sont récents, plus ils sont performants, et moins ils coûtent cher, en investissement comme en fonctionnement). Ces règles fondamentales du secteur constituent un moteur intrinsèque, incitant les opérateurs à investir. A l’inverse, les séparations fonctionnelles habituellement constatées consistent à privatiser les bénéfices et à socialiser les pertes.
    On peut d’ailleurs noter que le régulateur polonais, qui voulait imposer la séparation fonctionnelle à l’opérateur historique TPSA, y a finalement renoncé.
  • Quant à l’asphyxie du dividende, il suffit à l’État de relâcher sa pression, car c’est lui seul qui continue de l’imposer à l’opérateur historique, alors que tous les opérateurs européens ont déjà diminué les leurs.

De manière plus générale, demander la séparation fonctionnelle, c’est seulement céder aux théories néolibérales qui pensent qu’il faut tout casser, les emplois, la protection sociale et la charge des investissements, pour maximiser les profits d’un tout petit nombre de bénéficiaires.

La vraie question est plutôt celle d’une régulation favorisant le déploiement d’une infrastructure unique qui permettrait d’optimiser l’investissement. Il n’y a pas plus de logique à déployer plusieurs réseaux fixes à haut débit (comme cela se produit aujourd’hui dans les zones à forte densité de population, où il est plus facile de les rentabiliser) que de construire plusieurs autoroutes parallèles sur le même trajet. Il n’est pas non plus obligatoire que la totalité des réseaux appartiennent à un seul acteur, public ou privé.

Sur la fibre, des processus de mutualisation sont à l’œuvre, après une longue période de guerre larvée entre les acteurs, sur fond de régulation illisible et inopérante. Il faudra suivre la réalité des déploiements, lents à se faire.

Sur le mobile, le nouvel entrant Free Mobile s’appuie sur le réseau de l’opérateur historique pour offrir une couverture complète du territoire à ses clients… ce qui évitera de rendre caduc un réseau dont le déploiement a coûté des milliards d’euros si un transfert massif de clientèle s’opère. Mais la régulation n’a pas permis de faciliter, voire d’inciter, l’implantation de nouveaux relais là où les réseaux actuels sont les plus engorgés, comme dans Paris, où Free Mobile n’a ouvert que deux antennes. Elle n’a rien fait non plus pour préserver l’emploi en France, comme nos communiqués l’ont largement souligné ces dernières semaines, étant uniquement focalisée, une fois de plus, sur l’ouverture dogmatique de la concurrence.

Logiciels et services Internet : un domaine à explorer

Force est de constater que la France est quasiment absente du palmarès des grands acteurs du web, où les États-Unis ont pris le leadership (Google, Facebook, Amazon, Apple-iTunes/iCloud pour ne citer que les plus connus).

Il est certainement intéressant de s’y pencher, certainement plus en termes de mesures fiscales libérant l’innovation que de projets financés ou pilotés par la puissance publique, qui pour le moment se sont soldés par des échecs (voir l’expérience Quaero, projet de moteur de recherche européen)

Pour démarrer un travail d’analyse, on peut notamment regarder les propositions de l’AFDEL qui n’apparaissent pas forcément toutes pertinentes (comme toujours, il faut décrypter / séparer ce qui relève du pur lobbying et de l’intérêt collectif national).

Organiser une fiscalité et une réglementation efficaces et non simplement subventionner des projets, au moins pour les grands acteurs du marché

Les caisses de l’État étant vides, et le Commissariat au Plan dissout depuis belle lurette, il n’apparaît pas opportun dans le contexte actuel de positionner l’État comme un pilote ou un financeur du développement numérique.

Certes, l’actuel gouvernement, et en particulier Éric Besson, se montre d’une nullité rare pour saisir les enjeux du secteur. En dépit des grands plans annoncés sur la Fibre, l’équipement du territoire ne décolle pas. La réglementation est dogmatique plutôt qu’adaptée aux enjeux de la filière, et l’enchevêtrement de taxes d’un côté, subventions ou partenariats publics / privés de l’autre, est tel que toute stratégie devient impossible à bâtir.

Nous ne croyons pas que les opérateurs de télécommunications réclament des subventions. En tant que syndicalistes du secteur, nous ne pensons pas qu’elles en aient besoin : l’activité génère suffisamment de cash-flow pour qu’elle aie les moyens de financer ses investissements pour le futur. Il faut juste veiller à ne pas les lui ôter :

  • Pour France Télécom, il faut lever la contrainte de l’État sur le niveau des dividendes, qui va tuer l’entreprise à brève échéance si cette politique se poursuit
  • Pour l’ensemble des opérateurs, il convient de réviser en détail la fiscalité qui leur est appliquée, et de les regarder comme un réservoir de croissance plutôt que comme une pompe à fric pour le court terme.
  • Il faut surtout assurer à ces acteurs une sécurité juridique et financière en mettant en place un cadre stable, aussi bien sur le plan réglementaire que fiscal, permettant aux acteurs de prévoir leur stratégie à 5 ans sans devoir la réajuster en permanence pour intégrer des taxes et impôts nouveaux, ou se trouver confrontés à une réglementation fantaisiste.A cet égard, il est frappant de noter que depuis 2010, les comptes consolidés de France Télécom-Orange sont présentés en mettant de côté les impacts des taxes nouvelles qui amputent son chiffre d’affaires, afin que sa performance économique intrinsèque reste lisible pour les analystes financiers… Elle devient du coup illisible pour les représentants du personnel (élus CE) chargés de la contrôler, et qui eux ont besoin de connaître les marges de manœuvre réelles pour investir, embaucher, améliorer les salaires et les conditions de travail, une fois toutes les charges incontournables payées.

    Le secteur des télécoms reste à forte intensité capitalistique. Une bonne réglementation doit autant que possible contribuer à sécuriser les investissements, et non tout faire pour les mettre en péril dès qu’ils sont faits.
  • Comme pour l’ensemble des entreprises, nous pensons que les barèmes d’imposition et de charges devraient considérer la part de la valeur ajoutée réinvestie dans l’activité et la préservation des emplois, plutôt que de se focaliser sur le nombre de salariés, qui n’est en soi ni un indicateur de profitabilité, ni un indicateur de vertu économique. La mise en place de tranches d’imposition selon la taille des effectifs crée en outre des effets de seuils préjudiciables à l’embauche dans les petites et moyennes structures.

Avoir une ambition pour la République et le long terme plutôt que de céder aux lobbies des intérêts privés

De nombreux exemples montrent, ces dernières années, une approche erratique, sans vision globale, sans compétence sectorielle des Ministères qui interviennent sur la question, et plutôt animés par des fantasmes (les lois LOPPSI dictées par les fantasmes sécuritaires et le lobby des industries du même nom – considérées par le gouvernement actuel et par Bruxelles comme un fleuron industriel à défendre à l’échelle internationale – sont effarantes, et l’ACTA sera encore pire, d’autres pays sont en train de s’en apercevoir), ou la défense d’intérêts sectoriels partiels et partiaux (HADOPI, mise en œuvre sous la pression de l’industrie musicale et audiovisuelle, est un sommet de ridicule et d’inefficience).

Nous n’avons pas de propositions toutes faites en la matière, qui déborde largement du cadre de nos missions syndicales, nous souhaitons juste attirer l’attention sur la nécessaire remise à plat des réflexions sur ce sujet, en tâchant à la fois de considérer le secteur d’activité au sens large : opérateurs de réseaux, services et contenus circulant sur Internet, pour créer un cadre législatif favorable au développement d’un écosystème équilibré et dynamique, et de prendre des mesures lisibles et stables, permettant tant aux entreprises d’inscrire leurs stratégies dans la durée qu’au citoyen de comprendre clairement quel monde on lui propose au travers de ce cadre.

Sur ce dernier point, il conviendrait notamment de mettre fin aux diverses pratiques de « cavaliers » réglementaires ou législatifs, et de dissémination de la législation dans une multitude de textes sans rapport direct les uns avec les autres, qui rend la loi particulièrement illisible.

Rendre de la fierté aux salariés… et aux citoyens français

Étant syndicalistes dans une entreprise tristement emblématique du suicide au travail, dont nos travaux avec Sud au sein de l’Observatoire du Stress ont été les premiers à mettre en lumière l’aspect systémique lié à l’organisation du travail, pur fruit du dogme productiviste néolibéral, mais aussi de tous les ostracismes à l’égard des fonctionnaires, ces « fainéants privilégiés » désormais fustigés à tous les coins de forums sur Internet comme au Café du Commerce, nous avons été parmi les premiers à faire le triste constat, qui n’est cependant pas spécifique à notre entreprise, que notre personnel avait perdu la fierté de travailler chez France Télécom-Orange.

Cette fierté perdue dans toutes les entreprises où l’on ne permet plus aux collaborateurs de réaliser un travail bien fait, parce qu’il faut aller toujours plus vite et faire de la productivité de court terme sous peine de se retrouver chômeur, est fortement préjudiciable, non seulement à la santé psychique des salariés – si ce n’est à leur bonheur – mais aussi au dynamisme économique de l’entreprise. L’antienne qui rappelle que les salariés constituent la première richesse de l’entreprise n’est trop souvent que langue de bois, même si la culture commence à changer, trop lentement toutefois.

Nous nous autorisons à penser, à la lumière d’échanges informels avec des amis qui travaillent à l’étranger, que les Français, connus comme les plus râleurs et pessimistes du monde, ont surtout perdu leur fierté par rapport à l’économie de leur pays.

Cela relève pour une part de la rupture des équilibres sociaux globaux (chômage de masse, fin de l’État Providence et développement de toutes les précarités, plus particulièrement pour les jeunes et les seniors mais le phénomène gagne toutes les couches de la population), qu’il convient de rétablir.

Une autre part est imputable à la perte de notre compétitivité économique globale (déséquilibre persistant de la balance commerciale, délocalisations et désindustrialisation) et au discours convenu et culpabilisant mais non démontré qui lui est associé (coût du travail en France et fainéantise des « nantis des 35 heures », perception des emplois de service public comme une charge et non comme un service aux citoyens…).

Une troisième part, non négligeable et au cœur même d’une réflexion à mener sur les politiques industrielles (incluant les services, car produits et services sont liés, tant dans la production que dans les usages), c’est la disparition progressive des « fleurons » de notre industrie. De quoi pouvons nous encore être fiers lorsqu’on parle de la production française ? En dehors de l’aéronautique, et de quelques spécialités culinaires qui tiennent encore le haut du pavé à l’échelle mondiale (et encore, nous n’avons plus le monopole du bon vin), nous n’avons plus grand-chose à mettre en avant.

Dans les télécoms, nous eûmes, dans les années 80, le plus beau réseau du monde. Nos équipementiers étaient tellement bons que les américains ont organisé leur propre marché de manière à les en évincer. Qu’en reste-t-il ? Dans notre entreprise, le personnel attend les « grands projets » susceptibles de galvaniser ses énergies. Son esprit conquérant, hier fier de son efficacité technologique, s’étiole. Pendant ce temps, le P-DG, englué dans la rentabilité financière de court terme que les marchés et l’État exigent de lui d’une part, une réglementation et une fiscalité apocalyptiques d’autres part (pour ne parler que de la France, les enjeux internationaux du Groupe étant exclus du présent débat), peine à en offrir ne serait-ce qu’une esquisse. La question que peut se poser un gouvernement, c’est : comment desserrer l’étau pour lui permettre de faire son vrai job de capitaine d’industrie ?

La filière télécoms en France #1 : l’emploi menacé dans un secteur stratégique

En cette période d’élection présidentielle, les TIC sont, ou devraient être considérés comme un secteur clef de l’économie. Différents lobbies tentent de capter l’intérêt des candidats, avec plus ou mois de succès, comme on peut le lire dans l’analyse détaillée d’Olivier Ezratty, présentée en 6 épisodes sur son blog, sous le titre « Les clivages de la présidentielle sur le numérique »  (le dernier référence tous les autres, mais bien sûr il vaut mieux commencer par le premier).

A la suite de nos travaux d’analyse sur l’emploi chez les opérateurs, que nous mettrons à jour dès que les données annuelles de l’Arcep seront publiées, nous avons voulu aller un peu plus loin et présenter nos propres constats et propositions. Ce premier épisode est consacré aux constats. Le second sera consacré aux leviers d’action que nous avons identifiés. N’hésitez pas à commenter !

Soulignons tout d’abord que la Fédération Française des Télécoms (syndicat professionnel des opérateurs) s’est également cette année livrée à un constat chiffré, réalisé avec le concours d’Arthur D.Little dont voici une synthèse des chiffres clefs du marché.

Les chiffres des emplois induits dans la filière proviennent de l’INSEE, et mériteraient une petite analyse, qualitative (identification et segmentation des codes activités sélectionnés) et historique, que nous n’avons pas eu le temps de réaliser. Mais on voit que la part des équipementiers est extrêmement « light » par rapport à celle des opérateurs.

Les équipementiers européens sont en danger de mort

Les équipementiers français et européens (équipements de réseaux pour les opérateurs télécoms et terminaux pour le grand public) ne cessent de perdre du terrain au profit d’acteurs essentiellement asiatiques, et d’Apple concernant les terminaux grand public innovants (voir par exemple les derniers chiffres publiés par le cabinet IDC sur ce dernier point), et conséquemment des emplois : pas un mois sans qu’on annonce des compressions de personnel chez Alcatel-Lucent, Sagem, Nokia, etc.

La filière télécoms, qui fut florissante en France dans les années 70/80 (peut-être au prix d’un protectionnisme exagéré) est en voie de disparition. A l’époque, l’opérateur historique France Télécom, et auparavant les PTT, s’imposaient de faire les développements technologiques en partenariat avec les équipementiers français, et autour des travaux du CNET, qui a depuis été démantelé, jugé « non rentable » sous la gouvernance de Didier Lombard à France Télécom, et il n’existe plus de pôle de R&D performant pour faire de la recherche prospective dans le domaine des télécommunications en France. Rappelons que la technologie ADSL, diffusée dans le monde entier, était un pur produit des ingénieurs du CNET…

Les opérateurs français délocalisent de plus en plus d’emplois

Délocalisations massives des centres d’appels…

Extrait de notre article Dogme de l’hyper concurrence + consumérisme = délocalisations et décroissance.

L’Allemagne, qui emploie 600 000 téléconseillers sur son territoire, est « naturellement » protégée par la barrière linguistique. L’usage de la langue française dans de nombreux pays à faible coût salarial explique que la France n’en aie que 250 000 sur son sol national.

L’Angleterre quant à elle a 700 000 salariés dans cette activité. Il conviendrait d’aller regarder de plus près ce qui a été fait dans ce pays, pourtant très « libéral » pour préserver les emplois.

Les opérateurs de télécommunications sont les premiers employeurs et/ou donneurs d’ordre dans le domaine des centres d’appels. On estime qu’ils délocalisent au moins 30 000 emplois dans ce métier spécifique. Le gouvernement s’était engagé à agir, mais n’a absolument rien fait malgré ses promesses (plus aucun article sur les tags « centres d’appels » ou « délocalisations » sur le site gouvernemental depuis les promesses de 2010 et nous confirmons qu’aucun plan d’action concret n’a été engagé depuis)

…mais aussi de la R&D

Aucun chiffre officiel sur le sujet, et pour cause, le débat est trop honteux ! Mais, de l’intérieur de France Télécom, nous savons qu’une part de plus en plus importante de la R&D est délocalisée, via des filiales ou des sous-traitants, particulièrement en Inde et en Europe de l’Est (pour des raisons de coûts de main d’œuvre) et au Caire (deal au moment de l’implantation d’Orange en Égypte).

Ni le gouvernement, ni le régulateur
n’assument leurs missions de préservation de l’emploi en France

Ces deux acteurs ignorent superbement cette mission, pourtant inscrite dans le Code des Télécommunications français.

Modalités d’attribution de la licence 4G : aucune contrainte sur l’emploi dans le cahier des charges d’attribution de la licence mobile

Extrait de notre Communiqué CFE-CGC & UNSA Telecoms – licence 4G – 9 juin 2011

L’article L32-1 alinéa I paragraphe 3 du Code des postes et communications Électroniques précise « La fonction de régulation du secteur des communications électroniques est indépendante de l’exploitation des réseaux et de la fourniture des services de communications électroniques. Elle est exercée au nom de l’État par le ministre chargé des communications électroniques et par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. »

Et de poursuive dans son alinéa II : « Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :

1° A la fourniture et au financement de l’ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;

2° A l’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;

3° Au développement de l’emploi, de l’investissement efficace dans les infrastructures, de l’innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques… »

Or dans le projet de décision de l’Arcep il est successivement indiqué :

« Le nombre de lauréats, ainsi que leur quantité de fréquences et leur positionnement, seront définis de façon endogène par la procédure, sur la base des offres que formuleront les candidats au regard des trois critères de sélection (valorisation des fréquences, engagement d’accueil des MVNO, engagement renforcé de couverture départementale). »

« le candidat doit s’assurer qu’il indique pour chacune de ses offres :

– un montant financier exprimé en euros ;

– s’il souscrit ou non à l’engagement d’accueil des MVNO ;

– s’il souscrit ou non à l’engagement lié à l’aménagement du territoire. »

Si le projet de décret est signé en l’état, un constat simple s’impose : aucune obligation sur l’emploi…

Le Ministre méconnait à la fois les dispositions législatives (évoquées ci-dessus) mais aussi l’article 5 du préambule de la Constitution de 19463, qui fait partie du bloc de constitutionnalité et qui dispose que  « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. ».

Opération « tablette à 1 euro » pour les étudiants :
le ministère écarte délibérément Archos, le seul fabricant français de tablettes

Voir la chronique de Sébastien Crozier : Tablette à 1 euro : Monsieur Wauquiez, fermez-la…

Ne parlons pas de l’État actionnaire…

Premier actionnaire de France Télécom-Orange avec 27% du capital (réparti par moitiés entre l’Agence des Participations de l’État et le Fonds d’Investissement Stratégique), l’État, dont les représentants siègent au Conseil d’administration de l’entreprise, ne fait rien pour dynamiser la stratégie de développement des télécommunications en France, qu’il s’agisse de l’investissement dans les nouveaux réseaux ou dans la R&D (quasiment plus de « R », juste des développements avec un ROI court terme). Le seul objectif de l’État semble être de siphonner les résultats de l’entreprise via un dividende exorbitant, dont il touche près d’un milliard d’euros par an.

En 2009, les dividendes ont été supérieurs au résultat net consolidé du Groupe…

Extrait de notre blog dédié à l’actionnariat des personnels du Groupe France Télécom-Orange : Des dividendes trop élevés sont dangereux pour l’entreprise et pour ses personnels.

Le retour du dividende à 0,50 € demandé par l’ADEAS permettrait de revenir au ratio de distribution de 2004, qui apparaissait beaucoup plus raisonnable.

… et en 2010, s’ils n’en représentent que 76%, ils restent supérieurs au bénéfice net courant

Extrait de notre Lettre de l’Épargne et de l’Actionnariat Salariés – juillet 2011

À 1,40 euros par action, le dividende représente pour 2010 76% du résultat net consolidé, et 3 fois le bénéfice net des comptes sociaux (résultat net de l’exercice : 1 067 millions d’euros, dividendes distribués sur l’exercice : 3 708 millions d’euros). Le dividende est payé par le report à nouveau, c’est-à-dire par les bénéfices d’exercices antérieurs, qui devraient être consacrés à l’investissement actuel ou futur.

… ni de l’État fiscal

Extrait de notre lettre ouverte à Christine Lagarde en mars 2011, qui résume l’essentiel de nos critiques sur le rôle de l’Etat vis-à-vis de France Télécom-Orange

17 taxes et 9 redevances pèsent sur les opérateurs de télécommunications, et plus particulièrement l’opérateur historique. Pour le moment, France Télécom paie seul la totalité de l’IFER (Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux, mise en place pour remplacer la taxe professionnelle) pour le secteur des télécommunications9.

Free mobile : une arrivée pas si fracassante que ça ?

Ce qui est intéressant avec l’arrivée de Free Mobile, c’est que le « buzz », plus important que jamais, fournit de la matière à l’analyse du phénomène, en quantité et très rapidement. Aujourd’hui, Boursier.com se fait l’écho des désappointements des consommateurs, déçus par les délais, la qualité (voire l’absence) de service :

Du côté des usagers, la gueule de bois a fait suite à l’euphorie des premiers jours : Absence de portabilité, retard de livraison des cartes SIM, service clientèle débordé, certains utilisateurs crient à l’arnaque, comme ce client  » free adsl depuis 2005″ dont l’inscription est « dans l’impasse depuis le 11 janvier ».  » Inacceptable « , juge-t-il dans message posté sur le Twitter de Xavier Niel.

« Plus de 3 semaines que j’attends ma carte SIM. Pourtant j’avais déjà Free mais cette fois je n’ai pas tout compris ! » , ajoute cet abonné sur la page Facebook de Free Mobile. Sur le réseau social, une utilisatrice toujours dans l’attente, a donc tenté de passer par le « 3244 ». « Certes des tarifs compétitifs, c’est bien mais si le reste suit, c’est beaucoup mieux », prévient-elle. « C’est vraiment de l’amateurisme, comment n’ont-ils pu prévoir un tel engouement ? », s’interroge encore un nouvel abonné sur le réseau social.

Au delà des griefs factuels, et en lien avec nos précédentes positions sut la question, le terme « d’amateurisme » frappe : les consommateurs voudraient que ce soit à la fois, rapide, efficace, impeccablement professionnel, et pas cher, voire gratuit.

Dans le même temps, en tant que syndicalistes nous sommes bien placés pour le savoir, lorsqu’ils sont salariés, ils se plaignent (très souvent à juste titre) d’être de moins en moins nombreux pour assumer une quantité de travail toujours croissante, de moins en moins bien rémunérés, de moins en moins bien formés, et au final de ne pas avoir les moyens de faire « du travail bien fait » qui leur permettrait de se sentir bien dans leur vie professionnelle. L’analyse des suicides en milieu professionnel montre que ce sont les salariés les plus investis, les plus professionnels, qui sont les plus déstabilisés par cette déconstruction du travail.

A bien y regarder, le ressenti du consommateur et du travailleur se font écho, ils sont les deux facettes d’une même réalité, qui interroge sur cette société du toujours plus, toujours plus vite, pour toujours moins cher (mais quand même toujours plus de profits pour certains), qui forcément aboutit à du « toujours plus bâclé », tout aussi frustrant pour le client que pour le salarié…

Est-ce cette vie que nous voulons ? Est-elle satisfaisante ? Ne faut-il pas rechercher un nouvel équilibre ? Des méthodes de travail où l’on se donnerait le temps de bien faire les choses ? Cela s’appelle aussi l’efficience, et c’est souvent au final moins coûteux que de réparer ce qui a été mal fait dans un processus bâclé (mais tout le monde fait semblant de croire que le bâclé est plus rentable, comptant sur le fait que « ça passera » peut-être comme ça, que le client ne le verra pas, ou aura la flemme de réclamer, ou qu’en maniant le bâton un peu plus fort, on parviendra à ce que les personnels fassent « vite et bien »).  Du côté du salarié, ce serait surtout moins frustrant. Heureux au travail, il éprouverait sans doute moins le besoin de consommer sans discernement (et donc de chercher des tarifs toujours plus bas), ou pire, d’insulter les salariés des autres entreprises, pour se défouler de ses propres frustrations…

Pour revenir à Free Mobile, l’article de Boursier.com mentionne que certains clients reviennent chez leur opérateur d’origine, mais aussi que l’ensemble des acteurs a revu ses offres « low cost », pour les alléger davantage, sans doute une fois de plus au détriment de la qualité, ce qui engendrera de nouvelles frustrations, des personnels comme des clients.

Ce qui ne reviendra pas, c’est toute la valeur perdue. Les tarifs ont définitivement pris un coup dans l’aile, sans doute pour le bonheur des consommateurs, mais combien de salariés perdront leur emploi, ou devront travailler toujours plus vite au détriment de leur qualité de vie professionnelle ? Et combien d’heures perdues pour traiter des résiliations puis des réabonnements pour les mêmes clients, alors que pendant ce temps ils auraient pu se consacrer à d’autres tâches plus gratifiantes, et plus porteuses de valeur, tant pour leurs clients que pour leur entreprise ?

La folie Free, symbole d’une schizophrénie française

Ils sont Free ? Ils n’ont pas tout compris… Plaisanterie mise à part, le million de Français qui, en un mois, ont déjà souscrit aux offres alléchantes du 4 opérateur mobile ne se doutent pas toujours à quel point ils favorisent la délocalisation d’emplois et d’investissements, phénomène qu’ils déplorent par ailleurs. L’engouement spectaculaire pour Free Mobile est révélateur d’une schizophrénie, celle qui oppose, en nous, le consommateur et le producteur, l’agent économique et le citoyen. L’un est arrimé à son pouvoir d’achat, l’autre est attaché à l’emploi. L’un arbitre en faveur de produits et services importés moins chers, l’autre déplore que son pays offre si peu d’emplois nouveaux. Conflit d’intérêts légitimes duquel le consommateur sort presque toujours vainqueur… à court terme.

Lire la suite dans Les Echos du 13/02/2012

Ceux qui nous lisent ici régulièrement verront sans doute la filiation avec notre tribune du 27 janvier dernier dans… La Tribune, que vous pouvez lire ici dans sa version intégrale.

Monsieur Pécresse prend la même volée de bois vert que nous en commentaire de son article, qu’il s’agisse d’aficionados de Free ou d’internautes aux opinions économiques pour le moins « orientées », lorsqu’elles ne font pas tout simplement l’impasse sur une partie des réalités, et nous ne pouvons donc que lui exprimer notre solidarité.

Nous nous réjouissons que la presse économique se fasse le relais de vérités sans doute désagréables à entendre pour certains, mais cependant salutaires, et dont on peut espérer à ce titre qu’elles soient désormais entendues. L’important, c’est que le débat ait lieu, pour que chacun puisse se faire son opinion.

Rappelons par exemple que nous avons été les premiers à dénoncer le niveau des dividendes à France Télécom, dès 2007 lorsqu’ils ont commencé à s’envoler, en 2009 au travers de notre association du personnel actionnaire, et bien sûr en 2010 lorsqu’ils ont dépassé le niveau des bénéfices. Au départ, nous avons été raillés, parfois traités de menteurs alors que nos chiffres provenaient des documents de référence officiels de l’entreprise. Il a fallu attendre le début de cette année pour que le régulateur se rallie à notre position, que le PDG de France Télécom assure que le niveau du dividende n’était pas « gravé dans le marbre » et pour finir que les analystes financiers reprennent, presque mot pour mot, nos revendications de privilégier l’investissement au détriment du dividende.

Nous maintenons que la baisse du dividende est une priorité à France Télécom. Nous déplorons qu’il ait fallu attendre l’arrivée de Free Mobile pour que régulateur et Direction de l’entreprise s’en préoccupent.

Nous demandons aussi que la régulation du secteur des télécoms se préoccupe de l’emploi, comme la loi d’ailleurs le prévoit,  et pas seulement de stimuler la concurrence au profit du consommateur. Nous proposons à tous les Français, citoyens ou leaders d’opinion, une réflexion sur le juste équilibre qu’il convient de trouver entre l’emploi, qui se raréfie dangereusement, et le pouvoir d’achat, dont la baisse des prix n’est pas la composante unique : un salaire décent en est selon nous le meilleur garant.

Nous espérons cette fois être entendus avant que nous mêmes ou nos lecteurs ne soient partis rejoindre la cohorte des chômeurs : les chiffres disent désormais clairement que même les plus qualifiés, porteurs de cette valeur ajoutée qu’on prétendait conserver chez nous pendant qu’on délocaliserait seulement les usines, ne trouvent plus leur place dans la société française contemporaine.

Le feuilleton « Free Mobile a-t-il allumé ses antennes » continue

Paru dans Ecrans / Libération du 3 février 2012 :

Hier, selon nos informations, SFR a écrit à l’ARCEP, le régulateur des télécoms. Ce courrier était accompagné d’environ 3000 mesures, faites sous le contrôle d’huissiers dans cinq villes, dans l’Ouest (Caen, Nantes, …) et également à Paris. L’opérateur ne s’est pas contenté de détecter si les antennes de Free Mobile étaient allumées. Des appels ont été passés, selon les protocoles habituellement utilisés pour contrôler les obligations de couverture des opérateurs. Il s’agit de vérifier non seulement si le réseau Free est capté par le mobile équipé d’une puce Free, mais si les appels aboutissent dans une proportion significative, et si la communication est de bonne qualité.

[…]

Jean-Ludovic Silicani, le patron de l’Arcep, avait programmé cette campagne concernant Free dès le 25 janvier. De son côté, Eric Besson est monté lui aussi au créneau. Last but not least, le syndicat CFE-CGC/Unsa de France Télécom est revenu à la charge il y a deux jours pour demander l’ouverture d’une procédure de sanction. Sébastien Crozier, le porte-parole du syndicat, conteste l’autorisation d’émettre donnée à Free Mobile et réclame une enquête contradictoire, déniant au nouvel opérateur le droit de poursuivre l’exploitation de son service. Jamais, selon un proche du dossier, dans la longue histoire de l’ouverture du secteur télécom à la concurrence, « la violence des attaques contre un opérateur, n’a atteint ces sommets ».

Vous pouvez lire l’article complet sur le site Ecrans.

Un petit commentaire : si la violence des attaque contre un opérateur n’a jamais atteint ces sommets, c’est sans doute parce que la violence des attaques portées par un nouvel entrant contre les opérateurs en place, accusés d’avoir pris leurs clients pour des « pigeons » ou des « vaches à lait », n’avait non plus jamais atteint ces sommets. Qui sème le vent…

Dogme de l’hyper concurrence + consumérisme = délocalisations et décroissance.

Notre tribune dans La Tribune de ce jour ayant été amputée, sans doute pour des raisons de place disponible (elle est aussi parue dans le journal papier) d’une partie de ce que nous avions écrit, mais également des liens qui permettent de vérifier l’information, nous nous permettons de vous en redonner ici le texte intégral d’origine :

L’un des traits les plus inquiétants de la société de consommation, c’est la schizophrénie du citoyen. Il s’alarme de la fermeture de Lejaby, du chômage de son cousin ingénieur remplacé par un sous-traitant en Inde, et peut-être des délocalisations dans sa propre entreprise. Il sait qu’une large part de l’économie contemporaine est basée sur la production de biens dans des pays à faible coût salarial, consommés dans des pays à plus fort pouvoir d’achat. Mais qu’on lui promette de payer moins cher ce qu’il consomme, et il oublie tout le reste.

Jusqu’à quand le modèle pourra-t-il fonctionner, alors que les délocalisations se sont déjà étendues aux services ?

L’exemple de Free mobile

Le lancement de Free mobile a suscité l’ire des consommateurs, savamment attisée par Xavier Niel, à l’encontre des trois opérateurs qui les auraient pris pour « des pigeons ». Les réactions sont très violentes vis-à-vis de ceux qui osent émettre des critiques sur cette nouvelle offre. Les aficionados énoncent ouvertement préférer défendre leur porte-monnaie plutôt que les salariés des opérateurs, contestant les pertes d’emplois dans les télécommunications françaises (20% perdus en 12 ans, soit 32 000 emplois), pourtant très lisibles dans les chiffres fournis par l’Arcep, régulateur français des télécoms.

Qu’en temps de crise, le consommateur cherche à préserver son pouvoir d’achat, on le comprend. Mais voyons comment baissent les prix des télécommunications.

La baisse du prix des télécoms

D’abord, l’amortissement des réseaux : les télécoms fonctionnent sur un modèle de coût fixe, où le premier client coûte très cher à servir, le nième presque rien (jusqu’au moment où il nécessite l’installation d’un nouvel équipement pour écouler son trafic).

Ensuite, l’évolution technologique : la baisse continue du prix des composants électroniques, combinée à la performance croissante des équipements, réduisent non seulement le coût de l’investissement initial (CAPEX), mais aussi le coût d’exploitation (OPEX) des réseaux dernier cri, pour le même service rendu. Seul le dernier entrant en bénéficie à plein.

Enfin, la concurrence. Le nouvel acteur, pour se faire une place sur le marché, propose le plus souvent un avantage tarifaire. Les autres sont obligés de s’aligner peu ou prou s’ils ne veulent pas voir tous leurs clients les quitter pour le nouveau venu.

Les experts ne savent pas délimiter le pourcentage de baisse des prix attribuable à chacun des facteurs, mais, à l’instar des consommateurs, le régulateur des télécoms parie que la concurrence est le facteur clef. Et pour organiser une concurrence dite « libre et non faussée », l’Arcep fait peser des obligations sur les opérateurs en place, qui sont notamment contraints de… subventionner l’arrivée d’un nouvel entrant via le mécanisme de la terminaison d’appel !

La spirale infernale des délocalisations

Quelles sont les marges de manœuvre pour baisser les prix lorsqu’un nouvel opérateur vient bousculer la donne ? A un instant T, les facteurs technologiques sont à peu près équivalents pour tous. Reste un paramètre, présent dans tous les secteurs d’activité : la main d’œuvre.

Chez les opérateurs télécom, une part significative des effectifs est dans les centres d’appels, pour gérer la relation commerciale et l’assistance clients. Pour baisser les coûts, les opérateurs délocalisent, y compris Free, dont 2000 des 4000 téléconseillers étaient déjà au Maroc avant l’ouverture de Free mobile, et qui a contracté avec des sous-traitants situés dans le même pays pour le lancement de sa nouvelle activité.

Le gouvernement le sait. Malheureusement, depuis les belles intentions de M. Wauquiez en 2010, on attend en vain les bilans de relocalisation.

Les licences de téléphonie auraient pu être attribuées sous condition de ne délocaliser hors d’Europe ni les centres d’appels ni la fabrication des équipements. Mais le régulateur n’en a rien fait, y compris pour la licence 4G, alors qu’une telle mesure ne coûtait rien, et ne créait aucune distorsion de concurrence si elle était appliquée à tous les acteurs. Ne serait-ce pas le rôle d’un régulateur de protéger l’emploi plutôt que de se faire le chantre du consumérisme ?

L’Allemagne, qui emploie 600 000 téléconseillers sur son territoire, est « naturellement » protégée par la barrière linguistique. L’usage de la langue française dans de nombreux pays à faible coût salarial explique que la France n’en aie que 250 000 sur son sol national.

Les délocalisations appauvrissent la nation. Elles accentuent le déficit de la balance commerciale par l’achat de prestations à l’étranger. Elles exportent un pouvoir d’achat qui favorise la consommation, privant la France d’un moteur essentiel de croissance. Et elles font porter sur l’ensemble de l’économie française la charge du chômage de masse, renchérissant d’autant le coût du travail, qui nuit à notre compétitivité. Les délocalisations entraînent donc l’économie nationale dans une spirale négative.

Aucun des politiques Interrogés sur le lancement de Free mobile ne semble avoir compris ces enjeux, étrangement absents en pleine campagne présidentielle…

Devant la catastrophe qu’il a lui-même organisée, le régulateur se sent aujourd’hui obligé de mettre en lumière les dividendes extravagants servis par l’opérateur historique sous la pression de l’État. Comme nous le soulignons depuis 2009, cela pèse sur l’investissement comme sur l’emploi. Combien de temps ce même régulateur mettra-t-il à comprendre la nécessité de limiter les délocalisations ?

Mais puisque c’est encore le temps des vœux, nous souhaitons à tous les consommateurs de conserver (ou de trouver) un emploi, premier garant de leur pouvoir d’achat.

Free mobile : Xavier Niel prend-il tous les Français pour des c… ?

Selon une étude du cabinet GFK, et sur la base de l’offre décrite par Xavier Niel devant les médias, 8 Français sur 10 ont l’intention, à court ou moyen terme, de souscrire à l’offre de téléphonie mobile de Free.

Mais comment s’y prend Free pour monter son offre illimitée à 19,99 € / mois (15,99 € pour les abonnés ADSL Free) et son forfait 60 minutes / 60 SMS pour 2 € / mois (0 pour les abonnés ADSL Free) ?

Quelles seront les incidences cette nouvelle offre sur le marché des télécommunications en France ? Et que se passera-t-il si les Français interrogés confirment par des actes leurs intentions de basculer chez Free mobile ?

Claude Guéant et les fadettes

Dans une interview donnée au Monde, datée du jeudi 26 octobre, le Ministre de l’Intérieur, Monsieur Guéant prétend « que le droit n’est pas suffisamment précis » et « qu’il faudrait légiférer pour préciser cette question de l’utilisation des fadettes ».

Car selon lui, la loi de 1991 sur les interceptions de sécurité « ne prévoyait pas le cas des factures téléphoniques détaillées de téléphones portables car ils n’existaient pas ».

C’est en 1986 qu’est lancé le réseau Radiocom 2000. C’est le réseau de téléphone mobile français qui remplaça progressivement le réseau analogique appelé « correspondance publique ».

Radiocom 2000 utilise la bande de fréquence des 400 MHz, et on le classe dans la catégorie des mobiles de première génération : la 1G.

C’est avec Radiocom 2000 que se développent les  premiers pas de la téléphonie dite cellulaire avec, l’apparition du hand over (capacité de changer de cellule dynamiquement), et de l’attribution de fréquences différentes au sein d’une même cellule.

Très rapidement, le réseau couvre la quasi-totalité du territoire.

C’est en 1991 que démarre commercialement l’exploitation du réseau GSM.  A cette époque, Radiocom 2000 et son concurrent SFR disposaient de 350 000 abonnés.

Tous les grands commis de l’Etat disposaient d’un téléphone Radiocom 2000, parmi lesquels – à n’en pas douter – Monsieur Guéant lorsqu’il n’était encore en 1991 que le simple préfet des Alpes…

Les factures détaillées des appels passés (les fameuses fadettes) existent depuis les années 1980 sur le fixe avec la numérisation complète du téléphone fixe.

Elles permettent au client de connaître le prix de chaque communication passée et s’il le souhaite le correspondant appelé. Elles ne différent en rien de celles des portables d’aujourd’hui…

Mais à l’époque de Radiocom 2000, l’abonné était facturé non seulement lorsqu’il émettait des appels, mais aussi lorsqu’il en recevait, et la facture détaillée en faisait état…

Dans l’affaire Squarcini, on confond souvent l’obtention d’une fadette, simple copie de la facture commerciale adressée au client, et la recherche plus poussée qu’une autorité administrative peut demander à savoir : non seulement le détail complet des appels passés (si ils ne sont pas présent sur la facturation détaillée), mais aussi l’ensemble des appels reçus et leur origine.

Il est difficile de concevoir que Monsieur Guéant ait voulu abuser l’opinion pour justifier sa proposition de légiférer sur les fadettes, d’où une légitime question : « Monsieur Guéant est-il atteint d’Alzheimer ? »

Communiquer ou innover ?

Lors de l’e-G8 organisé aux frais de la République et du contribuable par le remarquable Monsieur Besson et l’agence de communication Publicis, c’est entre deux coupes de champagne et petits fours au caviar que le dirigeant de cette dernière et celui de France Télécom ont eu l’idée d’un fond d’investissement de 150 millions d’euros destiné  aux start- up dans le domaine des nouvelles technologies.

Publicis a pris tardivement le virage du numérique. Ce n’est qu’en 2006 qu’il prend conscience de son retard dans le domaine.

En 5 ans, Publicis s’est vu contraint à investir près de 3 milliards d’euros, notamment en rachetant successivement Digitas à la fin 2006, Business Interactif, l’agence interactive française en 2007, les agences interactives Modem Media aux États-Unis et Wcube en France, Portfolio en Corée en 2008, ainsi que Performics Search Marketing, division de Google (ex-DoubleClick) spécialiste des liens sponsorisés la même année, Razorfish à Microsoft en 2009, et au début de cette année Rosetta…

Il y a quelques semaines, Publicis a racheté Big Fuel, une agence new-yorkaise spécialisée dans les médias sociaux.

Pour autant, il convient de saluer l’habile stratégie d’acquisition de Maurice Levy  pour pallier à l’incapacité industrielle organique de son groupe dans la communication digitale…

De son coté, France Télécom n’a pas su démontrer sa grande capacité d’innovation ces dernières années.

Preuve s’il en est qu’Orange Valley, symbole du génie créatif de son dirigeant emblématique Didier Lombard vient de disparaître, absorbé sans tambours ni trompettes par les services de R&D de France Télécom.

Au début des années 2000, France Télécom a procédé à l’acquisition de quelques start-up qu’il a été incapable d’intégrer et qui se sont dissoutes dans le magma technocratique de l’ex-géant français des télécoms.

France Télécom a raté toutes les grandes innovations technologiques : son moteur de recherche Voilà est inexistant; il est absent des réseaux sociaux auquel son dirigeant ne croyait pas; sur le commerce en ligne, Alapage a été un échec cuisant…Quant à l’internet mobile, il aura fallu attendre Apple et son iPhone.

France Télécom possède déjà un fond dédié à l’innovation : Innovacom. Pour autant , rares sont les synergies avec le groupe.

Dès lors,  que penser de cette opération ?  Une simple annonce médiatique ? Une initiative visant à masquer le bilan particulièrement maigre d’un e-G8 dispendieux ?

Si certains dirigeants prennent conscience de l’incapacité des grands groupes français à faire vivre en leur sein de véritables structures générant de l’innovation, il serait peut-être temps qu’ils comprennent que les seules logiques financières qui animent leur management ne peuvent que conduire à l’étouffement de la créativité du personnel de leurs entreprises.

Steve Jobs a-t-il enterré le Web ?

Tout le monde a salué l’industriel de génie qui a su développer des produits qui ont contribué à changer notre quotidien.

Pour autant, reste une question qu’il est permis de poser : « Steve jobs a-t-il enterré le Web ? »

Rappelons que lors du lancement de la 3G, la norme en vigueur pour la data mobile était le Wap… une sorte de Web light. Avec l’avènement de l’IPhone, Steve Jobs a non seulement bousculé l’univers de la téléphonie mais aussi remis en cause le modèle dominant du Web.

Tout utilisateur d’un iPhone, mais aussi aujourd’hui d’un téléphone sous Android peut certes surfer sur Internet mais utilise avant tout des applications téléchargées. Et les principaux éditeurs en ont désormais une sur chacune des principales plates-formes.

C’est le retour de la technologie client-serveur où seules les données essentielles sont transmises sur le réseau puisque l’utilisateur a préalablement installé sur son terminal un logiciel gérant l’interface de navigation…

Ce modèle très en vogue dans les années 90 lorsque les réseaux étaient peu développé avait fortement régressé notamment sur le marché des entreprises par rapport à ce qu’on appelle les applications full web, ou chaque page web est rechargée après chaque action majeure.

Sur les smartphones d’aujourd’hui, il est toujours possible de passer d’une application téléchargée vers le Web. Tout le monde aura constaté la rapidité d’accès à l’information via ces applications, largement supérieure à celle d’un accès via le web. C’est d’ailleurs ce qui a fortement contribué à la réussite de l’IPhone.

Les opérateurs apprécient particulièrement ce modèle car en diminuant le volume des données transmis, il diminue l’engorgement des réseaux mobiles.

L’écosystème mis en place par Apple,  s’il constitue une véritable innovation dans le domaine de la data mobile, n’est pas nouveau.

Il faut se rappeler de la préhistoire de l’Internet, avec les services en ligne tel que AOL (America On line), Compuserve, ou même le premier service MSN de Microsoft, qui proposait aux utilisateurs un environnement propriétaire ou chaque éditeur devait utiliser les outils maisons pour que leurs services soient accessibles.

Ce modèle avait disparu devant l’universalité du Web et du langage HTML… les éditeurs préférant un environnement unique pour développer un seul service.

Les fréquences hertziennes sont des ressources rares, les opérateurs mobiles y sont en situation d’oligopole. C’est leur rigidité qui a empêché le développement de la data mobile. Il aura fallu l’arrivée d’un nouvel  acteur pour que la data mobile se développe vraiment.

Les opérateurs y ont d’ailleurs perdu une part de légitimé mais aussi de la valeur puisque c’est Apple ou Google qui facture directement leur client.

Apple vient de rentrer dans le club très fermé des entreprises réalisant plus de 100 milliards de dollars annuel de chiffre d’affaires.

Assurément, Steve Jobs a remis cause la primauté du Web, mais va-t-il pour autant l’enterrer ?

L’Histoire, et en particulier celle des nouvelles technologies, est un éternel recommencement…

 

Christine Albanel et le « droit de lecture »

Madame Albanel, recrutée par Didier Lombard à France Télécom-Orange en tant que Directrice de la Communication quelques mois après son départ du Ministère de la Culture,  a encore frappé !

Elle était aux côtés de Beatriz Preciado, auteur de  « Pornotopie, ou Play boy et l’invention de la sexualité multimédia », l’invitée de l’émission Soft Power du dimanche 9 octobre sur France Culture.

Madame Albanel s’est égarée dans les limbes des nouvelles technologies avec le concept effroyable du  « droit de lecture ».

En déclarant : « France Télécom Orange étant un tiers de confiance, étant celui qui va gérer votre droit de lecture, vous retrouvez beaucoup de vocations de France Télécom Orange : la capacité d’innovation, la sécurité, la pérennité,… et là je trouve que l’opérateur est complètement dans son rôle. »

L’ancienne ministre de la Culture devrait savoir qu’il n’existe pas de droit de lecture. C’est l’idée de la mise en place d’un « droit de lire » qui avait provoqué un tollé contre la protection légale des DRM et la loi DADVSI.

On ne peut pas interdire à quelqu’un d’emprunter un livre à un ami pour le lire, de l’ouvrir dans une bibliothèque ou même de le feuilleter chez un libraire.

La Loi interdit la reproduction d’un livre, sa récitation en public, son adaptation… mais en aucun cas sa lecture.

Mais elle a fait pire en affirmant :« Je rappelle qu’il y a des régulateurs – et Dieu sait qu’ils sont puissants -des régulateurs français et européens, qui quelquefois privilégient presque uniquement le consommateur au détriment de grands groupes, de grands champions français ou européens. Et ça, on peut quand même le regretter quelque peu ».

Madame Albanel devrait pourtant savoir que la raison d’être d’un régulateur est d’organiser un secteur d’activité en fonction non pas des intérêts des grands groupes ou du consommateur, mais de l’intérêt de la République – et de ses citoyens – pour garantir à tous et à chacun les mêmes droits.

Il est vrai que ces dernières années, l’ARCEP et la Commission de Bruxelles ont particulièrement failli à leurs missions…

Pour autant, rappelons qu’en tant que Ministre de la Culture, elle s’est opposée à un amendement déposé par les parlementaires visant à interdire aux opérateurs, et en particulier Orange à propos du foot, de diffuser des contenus exclusivement sur leur réseau.

La culture n’est pas un bien marchand comme les autres. Depuis qu’elle est chez France Télécom Orange, payée à près du triple de son salaire de Ministre, elle semble l’avoir définitivement oubliée…

Est qualifié par le Code Pénal de délit, de prise illégale d’intérêt et puni de 2 ans d’emprisonnement, le fait pour un fonctionnaire ou un agent de la fonction publique de ne pas attendre l’expiration d’un délai de trois ans avant de travailler dans une entreprise sur laquelle il a pu avoir une influence quelconque.

Mais cette disposition de la Loi ne s’applique pas aux ministres eux-mêmes…

Tablette à 1 euro : Monsieur Wauquiez, fermez-la…

Dans une récente interview donnée dans Direct Matin et sur M6, le Ministre de l’Enseignement Supérieur, Monsieur Laurent Wauquiez, se gargarise d’être à l’initiative d’une offre de tablette numérique à « un euro par jour » pendant deux ans pour les étudiants.

Cette offre inclut un iPad 2 ou la Samsung Galaxy Tab et l’abonnement 3G chez Orange.  « En d’autres termes, on fait l’abonnement et la tablette au prix de l’abonnement », déclare le ministre

Il précise que l’opérateur de télécoms « finançait la différence » c’est-à-dire le coût de la tablette et donc que cela ne coûtait « rien au contribuable » !

Et il continue ainsi : « Un étudiant qui a son matériel et un accès à Internet a un atout considérable sur les autres. Le problème, c’est que cela coûte une fortune; pourtant, Internet est un droit pour tous les étudiants »

Monsieur Wauquiez est un coutumier des effets d’annonces sans lendemain…

En octobre 2010, à grand renfort de communication, Monsieur Wauquiez organisait, en tant secrétaire d’Etat à l’emploi, les Assises des centres d’Appels avec l’ensemble des acteurs de la profession.

A l’issue de celles-ci, il se félicitait dans les médias qu’il avait obtenu que 11 000 emplois soient créés d’ici la fin du 1er semestre 2011…

Foutaises ! Aucun emploi n’a été créé… Pire, le 31 janvier 2011, Téléperformance annonçait la mise en place d’un nouveau  plan social entraînant la suppression de 689 emplois en France tandis que la société créait des centaines de postes  à l’étranger…

Les principaux donneurs d’ordres que sont les opérateurs téléphoniques ont poursuivis leur politique de délocalisation des centres d’appels… et aucune obligation de localisation de l’emploi n’a été demandée aux bénéficiaires des licences 4G par son  comparse gouvernemental Monsieur Besson, Ministre de l’Industrie…

Alors Monsieur Wauquiez, combien d’emplois créés par votre initiative ?

Vous avez écarté la société française Archos au prétexte  du prétendu manque de stabilité de sa tablette… Vous avez retenu des acteurs étrangers sans leur demander en contrepartie d’installer leurs usines sur notre territoire et de créer les emplois dont nos concitoyens ont assurément besoin.

Vous avez fait le choix d’être l’agent commercial de sociétés étrangères. Il est choquant que vous utilisiez votre position de Ministre à de telles fins.

En d’autres temps et d’autres mœurs, un ministre assurément plus respectueux de la République, avait dit : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ».

Monsieur Wauquiez, à vous de choisir…

PS : Ca bouge depuis la rédaction de cette chronique, on apprend ce vendredi matin qu’en partenariat avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Bouygues Telecom et Archos proposent aux étudiants une tablette à un euro…

L’Orange et la Pomme

Le dépeçage d’Orange continue. Le directeur financier de France Télécom a annoncé la vente prochaine d’Orange Suisse pour un montant d’un milliard et demi à 2 milliards…

Cela fait suite à la fusion ratée avec l’opérateur Sunrise. En effet en 2010, la Commission de la concurrence suisse avait refusé d’avaliser l’opération de concentration et la direction de France Télécom avait pris la décision de partir de Suisse.

Plusieurs investisseurs, avant tout des fonds de pensions, ont déjà fait part de leur intérêt pour la reprise d’Orange Suisse…

En 2004, Orange avait déjà vendu ses activités au Danemark à Teliasonera, en 2007 au Pays-Bas à Deutsche Telekom, et renoncé à l’exploitation d’une licence mobile 3 G en Suède au début des années 2000…

Avec le désengagement annoncé en Autriche où France Télécom n’est actionnaire d’Orange Austria qu’à hauteur du tiers de la société, on assiste à un retrait continu d’Europe occidentale.

Les enjeux de cette opération exclusivement financière sont simples : maintenir un niveau de bénéfices permettant le versement des dividendes extravagants à l’Etat, premier actionnaire à 27%.

L’endettement de France Télécom reste à un niveau élevé, de près de 30 milliards.

La Direction d’Orange avait même envisagé le cas échéant de verser un dividende exceptionnel issu de la vente d’Orange Suisse, mais les prévisions alarmantes de baisse des bénéfices la font hésiter…

Une fois de plus, la marque Orange voit son territoire se réduire… Toute ambition d’en faire une marque globale et mondiale semble abandonnée.

L’entreprise semble plus embarquée dans une stratégie dictée par de simples considérations financières court-termistes et cantonnée à participer à un mauvais un jeu de Monopoly.

Peut-on raisonnablement imaginer que le rachat de l’opérateur Congo China Télécom viendra compenser la vente d’Orange Suisse.

Est-ce dans ces pays que la marque Orange déploiera les services innovants de demain ?

Le fondateur de la pomme la plus célèbre du monde est mort ces jours-ci.

Avait-il renoncé à se développer sur des marchés pourtant préemptés par ses concurrents comme par exemple en Corée par Samsung ? Non, jamais…

Il est vrai que celui refusait depuis 15 ans de verser le moindre dividende à ses actionnaires.

Aujourd’hui, Apple dispose sur son compte en banque de quoi croquer  Orange sans faire appel au moindre emprunt…

 

Quand la Chine s’éveillera

ITespresso.fr ouvre la porte à un nouveau contributeur externe multi-casquette : Sébastien Crozier (expert télécoms-TIC, conseiller prud’homal, syndicaliste…). Découvrez sa plume incisive et son regard décalé de l’actu.

Après avoir envahi le monde des équipementiers dans le domaine des télécoms, c’est au tour des opérateurs de téléphonie d’être le nouveau champ de conquête des acteurs chinois.

Si l’investissement de ZTE dans Congo China Télécom s’est fait avant tout en équipement maison, il est difficile de considérer que l’opérateur congolais a connu un succès commercial foudroyant.

ZTE est en train de négocier la reprise de sa participation majoritaire à Orange.

Pour autant, il y a quelques semaines, China Télécom, le plus grand opérateur mobile chinois, a annoncé son intention de lancer des MVNO dans toute l’Europe à l’attention des communautés chinoises mais aussi des touristes chinois.

Le roaming reste une niche où la marge est importante pour les opérateurs.

C’est en Grande-Bretagne juste avant les des jeux olympiques de 2012, que l’opérateur compte lancer ses premières offres pour pouvoir surfer sur la vague de médailles remportées par les compétiteurs chinois.

Il vise le demi-million de Chinois vivant en Angleterre et entend lui offrir l’accès à des contenus en chinois.

Il se murmure que l’opérateur hôte serait Everything Everywhere, la filiale commune entre Orange et T-mobile…

Ce n’est pas la première excursion de l’opérateur China Télécom à l’extérieur. Il est déjà présent au Japon, au Canada, au Vietnam et en Indonésie, soit au travers de licences de téléphonie ou de bureaux de représentation, avant tout dans des pays où la communauté chinoise est d’importance.

China Télécom dispose depuis 2006 d’une  infrastructure en Europe solidement  reliée à l’Asie par différentes routes passant soit par le Kazakhstan ou par Dubai… Il a annoncé sa volonté de grossir par croissance externe.

A l’heure du développement de la data mobile, on imagine déjà les synergies possibles avec des offres de MVNO dans tous les pays d’Europe où il existe une communauté chinoise.

Il est certain qu’une offre de MVNO de China Télécom ne peut être que le prélude à des acquisitions ciblées qui feront de China Télécom un acteur majeur de télécoms européens de demain.

Face à ses centaines de millions de clients et à la puissance financière qui en résulte, comment sera-t-il possible aux nains que sont nos 140 opérateurs européens de résister à China Télécom ?

La question n’est plus de savoir « quand la Chine s’éveillera », mais quand nos opérateurs européens, eux, se réveilleront ?