Le travail devrait faire l’emploi

Lors de son séminaire de mai 2016, la CFE-CGC Orange organise une table ronde « économie, création d’emploi et Loi Travail », afin de revenir sur les débats qui animent nombre d’acteurs sur le projet de Loi Travail, et notamment : sa capacité favoriser la création d’emplois et à redynamiser le dialogue social dans les entreprises. À défaut, quelles propositions alternatives pourraient être utilement mise en œuvre pour atteindre ces objectifs dans le contexte économique français ?

En guise de préambule, quelques interventions récentes de nos invités dans les médias.

Aujourd’hui : Claude Didry, Sociologue, directeur de recherche au CNRS (IDHES), dans l’émission de France Culture « La suite dans les idées » le 16 avril dernier.

Dans un ouvrage qui tombe à point nommé, le sociologue Claude Didry revient sur la construction historique du droit du travail en France, et sa réalité contemporaine, pointant notamment les erreurs de diagnostics sur lesquelles repose selon lui le projet de Loi El Khomri.

L'institution du travail - Droit et salariat dans l'histoire

L’institution du travail La Dispute, 2016 Claude Didry

Loi travail

Deux émissions de radio particulièrement intéressantes pour refaire le point sur les enjeux, et mieux comprendre comment le projet de loi a été élaboré. On y découvre notamment que les travaux de R. Badinter et de M. Lyon-Caen ont été… comment dire, instrumentalisés ? Et que le « bon sens commun », qui ne croit pas une minute à la capacité du projet de loi à créer de l’emploi, a raison…

Emission du 5 mars : En fonction de quels critères le droit du travail doit-il évoluer aujourd’hui?  Existe-t-il un code du travail idéal? Quels droits pour les travailleurs?
Après le report du projet de loi travail sévèrement critiqué ces dernières semaines et au moment où des rapports européens mettent en évidence la dégradation des conditions de travail en France , Laure Adler reçoit Antoine Lyon-Caen et Dominique Meda qui décrypteront les enjeux d’une telle réforme.

Emission du 26 mars : Notre pays est-il hostile à l’idée même de réforme? Ou acceptons-nous et préparons-nous ce que certains nomment un affaiblissement durable de la France? Le dialogue social existe-t-il vraiment? La Loi travail est-elle un projet audacieux? Un projet qui permettra de relancer le marché de l’emploi ou pas?Ou une loi qui s’adapte à la dérèglementation de ce qu’on nomme le « marché du travail »?

Deux jours après la présentation de la loi du travail au Conseil des Ministres, et au moment où la contestation continue, n’est-ce pas le moment de redéfinir entre le patronat, les syndicats, les salariés de meilleures relations?Tout le monde en tout cas en ce moment est en colère: les contestataires, les syndicats, le Medef. Nous essaierons d’étudier et de cartographier les raisons de cette colère en compagnie de: Danièle Linhart et de Raymond Soubie

Code du travail : le « modèle allemand », pas si flexible que ça

Le texte qui régit le travail en Allemagne, tant vanté par une partie de la classe politique française, protège autant, voire mieux, les salariés qu’en France.

Source : Code du travail : le « modèle allemand », pas si flexible que ça

Une analyse, toujours intéressante, des « décodeurs »

Au coin des idées #1 : La loi travail – Entretien avec David van der Vlist

David van der Vlist, avocat en droit du travail et militant au syndicat des avocats de France, présente en détail, en une heure, le contenu du projet de Loi Travail portée par Myriam El Khomri.

A lire en complément : Réforme du code du travail : Manuel Valls promet des « améliorations »

Avec son compte Twitter « LoiTravail », le gouvernement devient la risée d’Internet

Confronté à une forte mobilisation sur Internet – une pétition qui dépasse les 500.000 signatures et un appel à la grève lancé sur Facebook- contre son projet de réforme du Code du Travail, le gouvernement a voulu faire usage des mêmes armes en lançant un compte Twitter certifié « La loi Travail », instantanément moqué par les Internautes.

Source : Avec son compte Twitter « LoiTravail », le gouvernement devient la risée d’Internet

En marge de l’analyse sur le fond et de la bataille syndicale pour s’opposer à un projet de loi qui détruit sans contrepartie de nombreuses protections pour les salariés (nous laissons la Confédération, dont c’est la mission, à la manœuvre), notons le poids croissant du web collaboratif dans les débats législatifs et démocratiques. Quand on veut museler les représentants du peuple à coup de 49-3, le peuple reprend la parole en direct.

Un petit exercice de « démocratie directe » en forme de gifle pour rappeler à ceux qui nous gouvernent qu’ils sont tenus de défendre l’intérêt collectif de ceux qui les ont élus… et que lesdits électeurs ne sont pas aussi idiots que notre actuel Premier Ministre voudrait le faire croire. On le lui rappellera plusieurs fois si nécessaire, avec nos twitts et avec nos pieds, état d’urgence ou pas.

En attendant, toutes nos condoléances au Community Manager du compte Twitter @LoiTravail !

Droit du travail : neuf syndicats réclamment le retrait du plafonnement des indemnités prud’homales

Une intersyndicale s’était réunie mardi, à l’initiative de la CGT, pour discuter d’« actions et initiatives communes » contre un texte jugé trop favorable au patronat.

Source : Droit du travail : neuf syndicats réclamment le retrait du plafonnement des indemnités prud’homales

A lire aussi, sur le site de la CFE-CGC  : Projet de loi El Khomri : un projet déséquilibré à ce stade

Clés 3G: la Commission européenne enquête sur un éventuel dumping chinois

A la suite d’une plainte de la société belge Option, la Commission européenne a ouvert fin juin une enquête sur un éventuel dumping sur les clés et modems 3G des fabricants chinois Huawei et ZTE, géants du secteur, avec 50% et 40% environ de parts de marché mondial, ont rapporté récemment Les Echos (article payant).

Clé 3GPhoto par incurable hippie (Flickr), sous licence CC by-nc

«La Chine a exporté en 2009 environ 25 millions de modems sans fil pour un chiffre d’affaires de 1,25  milliard d’euros. Selon Bruxelles, les modems chinois ont représenté 90 % des importations européennes», indique le quotidien économique. Option estime qu’ils sont vendus moins cher à l’international, et parfois même sous leur prix de revient.

«A tel point que la part de marché d’Option en Europe est tombée de plus de 50% en 2006 à moins de 5%. Entre temps, le marché européen a été multiplié par douze.» La Commission a décidé fin juin d’ouvrir une enquête, laquelle pourrait durer 15 mois et aboutir à un relèvement des droits de douane sur les importations concernées pendant au plus cinq ans.

Option, qui a dû réduire ses effectifs de plus de 700 personnes en 2007 à moins de 280, a enregistré en 2009 une perte nette de 53 millions d’euros et est menacé de disparition, soulignent Les Echos. La compagnie belge a déposé dernièrement une seconde plainte, cette fois pour subventions illégales, que Bruxelles examine.

Après Microsoft, Intel, IBM ou encore Apple, la Commission passe ici d’entreprises américaines à deux chinoises, illustrant l’émergence de cet autre géant économique et technologique… lui-même face à d’autres puissances montantes, comme l’Inde, qui en août a levé un blocus de huit mois à l’encontre des équipementiers chinois, ZTE et Huawei, ainsi que de Nokia, auxquels ce pays a demandé notamment l’accès à des codes sources.

LOPPSI 2 : un projet de loi nuisible et inutile

Sécurité... illusoireImage : B. Tal (Flickr) sous licence CC by-nc

Des hommes et femmes politiques de tout bord accusant Internet de tous les maux (Internet «envahi par toutes les mafias du monde» selon une formule célèbre), c’est un grand classique. Mais le projet de loi Loppsi 2, actuellement examiné au Sénat, est un festival d’incompétence, où au nom du tout-sécuritaire ce texte fourre-tout met à mal des principes fondamentaux, notamment en matière d’Internet, avec le blocage annoncé des sites au nom de la lutte contre la pédo-pornographie.

La censure est-elle digne d’une démocratie?

Filtrer le Web? L’Australie l’a fait. Résultat : des milliers de sites en aucune façon pédophiles ont été abusivement rangés dans les listes noires et rendus inaccessibles.

Techniquement, c’est parfaitement possible: l’exemple sans état d’âme de la Chine le démontre. La France veut-elle s’en inspirer? C’est ce que pointent certains médias: «Les dictateurs en ont rêvé», pendant que la CNIL s’inquiète de nouvelles collectes de données personnelles à l’insu des utilisateurs, sans maîtrise de leur détention et de leur exploitation, ni utilité avérée en terme de lutte contre la criminalité.

Dans un pays qui se réclame des droits de l’Homme, on peut à juste titre s’inquiéter d’une dérive policière, qui considèrerait la confidentialité des échanges privés et la liberté d’expression comme accessoires, et le contrôle de la légalité par un juge indépendant comme une sornette. Ces deux principes ne constituent-ils pas les fondements même de la démocratie?

Filtrer le Web: une mesure contre-productive qui protègerait surtout… les délinquants

Dangereuse sur le principe, la volonté de filtrage d’Internet de la Loppsi 2 pose en outre un réel problème d’efficacité en particulier face à la pédo-pornographie, souvent mise en avant pour justifier le blocage a priori des sites. Loppsi.fr, un site qui suit l’évolution du projet de loi depuis ses débuts s’interroge « Les professionnels du Net s’accordent à dire qu’il n’y a pas de sites ou de photos pédophiles sur le Web […] Alors à quoi bon faire une liste noire des sites pédophiles? Pour protéger qui? ». Des experts légaux et des gendarmes ont démontré que le filtrage était une mauvaise réponse contre la pornographie enfantine.

Changements d’adresse express, reroutages, les contournements sont monnaie courante pour déménager rapidement des contenus illégaux. Filtrer les sites, c’est inefficace. La Loppsi ne vise-t-elle qu’un effet d’affichage? Bloquer un site ne l’empêche pas d’exister (il restera accessible depuis d’autres pays par exemple), alors qu’une action concertée de police pourrait y mettre fin définitivement. Pourquoi ne regarde-t-on pas, plutôt que vers la Chine ou l’Australie, du côté de l’Allemagne, où la lutte à la source semble autrement efficace?

Une charge financière supplémentaire pour les fournisseurs d’accès

Vue des opérateurs, auxquels l’État demandera de bloquer des sites, l’opération suppose des dispositifs techniques, des ressources humaines et du temps, donc de l’argent. Or, on l’a déjà vu avec Hadopi (70 millions d’euros par an pour les FAI), qui n’a rien réglé pour l’indemnisation des FAI. Xavier Niel, le fondateur de Free, a critiqué à juste titre Hadopi, qui transfère aux opérateurs Internet des missions et des coûts qui ne sont pas de leur périmètre légitime d’intervention.

Inefficace contre la cyber-criminalité, la Loppsi 2 serait en revanche d’une toxicité avérée contre la démocratie et le libre fonctionnement d’Internet, tout en créant de dangereux précédents vers une société de surveillance des citoyens. La presse internationale s’est émue depuis plusieurs mois des aspects liberticides du projet de loi français.

C’est pourquoi la CFE-CGC & l’UNSA Télécoms appellent les parlementaires qui examinent la Loppsi 2 à en refuser les dispositions inutilement liberticides, et l’ensemble des citoyens à être particulièrement vigilants. La cyber-criminalité se combat à sa source. Sa réelle disparition du Web ne peut provenir que de sa destruction à la racine. En l’état, voter la Loppsi2, c’est comme jeter une couverture sur un brasier: une illusion temporaire.

L’aide d’Etat de 2002 à France Télécom légale, juge le tribunal de l’Union européenne

Les juges ont annulé une décision de 2004 de la Commission européenne.

Revers pour la Commission européenne et succès pour France Télécom: le tribunal de l’Union européenne, saisi par France Télécom contre une décision de 2004 de la Commission européenne, vient d’annuler celle-ci.

Le tribunal a jugé le 21 mai que la proposition de prêt à l’entreprise de 9 milliards d’euros en 2002 par l’Etat français n’était pas une aide publique illégale (contrairement à ce qu’avait estimé la Commission européenne, sans cependant prononcer d’amende). Ce prêt, une ligne de crédit qui n’a pas été utilisée par France Télécom, a amélioré sa notation de crédit et donc constitué un avantage financier, selon les juges.

Cour européenne de justice à LuxembourgLa Cour européenne de justice, à Luxembourg (image de gwenael.piaser (Flickr) sous licence CC by-nc-sa

Mais il n’y a pas eu de transfert de ressources d’État, déclare le tribunal, car «en raison de leur caractère ouvert, imprécis et conditionnel (…), les déclarations depuis juillet 2002 ne peuvent être assimilées à une garantie étatique ou être interprétées comme dévoilant un engagement irrévocable à apporter un concours financier précis au profit de France Télécom».

Après ce revers, la Commission européenne a fait savoir qu’elle étudie la décision du tribunal et qu’elle n’a pas encore décidé si elle ferait appel devant la Cour européenne de Justice.

Travailler plus, c’est mortifère

On ne présente plus Gérard Filoche, Inspecteur du travail bien connu pour ses positions très « carrées ». Dans un billet du 8 janvier, il relie à juste titre les suicides au travail chez France Télécom, et le « déshabillage » progressif du Code du Travail de ces dernières années dans une indifférence quasi générale, qui se matérialise notamment par le fait qu’on lui a reproché, en 2008, d’assister à une journée de travail organisée par l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées à France Télécom-Orange, mis en œuvre par Sud et la CFE-CGC/Unsa.

Depuis, un coin du voile a été levé sur le tabou des suicides au travail. Mais il faudra encore du temps pour que les liens avec l’évolution du droit et surtout les pratiques concrètes des entreprises en matière d’organisation du travail soient admis par tous, et permettent de déboucher sur de vrais changement dans la vie des salariés. C’est l’un des aspects rappelés par les sociologues du travail qui se sont exprimés lors du débat public organisé ce même 8 janvier par l’Observatoire au Conseil Régional d’Ile de France.

En attendant, il appartient à ceux qui sont directement impactés, et aux experts du domaine, qu’ils soient chercheurs, inspecteurs du travail ou syndicalistes, de continuer à démontrer et dénoncer la langue de bois qui prévaut encore trop souvent sur ces questions…